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dans l’autre ; mais Louis XIV tint bon et ses jardins, comme ses palais, restèrent ouverts à tous.

Locatelli assiste aussi à la toilette de la Reine qui se fait en public. Entre qui veut. « Pendant qu’on la coiffait, elle portait un léger corset de toile blanche, bien garni de baleines, serré à la taille, et une jupe si étroite qu’elle semblait enveloppée dans un sac de soie. La Reine coiffée, des pages apportèrent ses vêtemens de dessus, d’une jolie étoffe à fleurs, alternativement bleues et or sur fond d’argent... Ils la lacèrent et achevèrent de l’habiller ; mais les femmes placèrent les bijoux de la tête et du corsage. Sa toilette terminée, elle se tourna vers les étrangers, fit une belle révérence et vola, pour ainsi dire, à l’appartement de sa tante, la Reine mère. »

Comme la Reine et comme la Dauphine, le Roi s’habillait sous les yeux de tous. Certains bourgeois trouvaient une distraction à s’en aller au Louvre « pour le seul plaisir de voir le Roi, ne pouvant se lasser de le considérer, soit pendant son dîner, soit dans la cour du Louvre, lorsqu’il y descendait pour assortir des attelages de différens chevaux. »

La maison du Roi devenait une place publique. On imagine la difficulté d’y maintenir l’ordre et la propreté. Du matin au soir s’y pressait une cohue turbulente et bruyante, où se mêlaient toutes sortes de conditions. Les dessous et les encognures des escaliers, les couloirs. les balcons, les tambours des portes, paraissaient des lieux propices à satisfaire les besoins de la nature. Les couloirs des châteaux du Louvre, de Vincennes, de Fontainebleau, se transformaient en senti nés. Pour entrer chez la Reine, les dames relevaient leurs jupes. Jusqu’au troisième tiers du XVIIe siècle, le Louvre est signalé pour ses odeurs et ses « mille puanteurs insupportables » qui faisaient un étrange contraste avec la splendeur des appartemens royaux. C’était une des raisons qui motivaient les déplacemens continuels de la Cour : alors on aérait les chambres, on les désinfectait « en les parfumant de bois de genièvre. » « Louis XIV et Monsieur (le Duc d’Orléans), écrit Madame Palatine, avaient été habitués dès l’enfance à des maisons sales, de sorte qu’ils regardaient la chose comme naturelle, mais sur leurs personnes ils étaient fort propres. » Bussy-Rabutin admire Louis XIV d’être parvenu à mettre un peu d’ordre dans sa demeure et à lui donner « la propreté du particulier. »