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Ces traditions de vie commune, il n’était pas possible de les modifier. Les souverains eux-mêmes sentaient qu’ils n’en avaient pas le droit. Ainsi Louis XIV fut amené, en 1671, à la résolution de transférer à Versailles la demeure de la monarchie. A Paris, avec l’accroissement de la ville et la multiplication des rapports entre le Roi et ses sujets, la famille royale en était venue à ne plus pouvoir respirer. Il en fut d’ailleurs à Versailles comme au Louvre. « Un jour, écrit Viollet-le-Duc, que je visitais, étant très jeune, le palais de Versailles avec une respectable dame de l’ancienne Cour, passant dans un couloir empesté, elle ne put retenir cette exclamation :

« — Voilà qui me rappelle un bien beau temps ! »

A Versailles comme au Louvre, les appartemens du Roi demeurent ouverts à tout venant. Les étrangers, Madame Palatine, Mme d’Osnabrück, se plaignent du tumulte qui règne à la Cour-de France, de la presse, des odeurs dont on y est incommodé : on risque d’y être étouffé. « Nous passâmes, écrit l’Anglais Arthur Young qui en est tout surpris, à travers une foule de peuple et il y en avait plusieurs qui n’étaient pas trop bien habillés. »

Et l’on imagine quel monde finissait par envahir ainsi la demeure royale : des personnages louches, réputés dangereux ; en 1682, un « grand prêtre italien, nommé Pitoli, qui a des relations suspectes avec les gouvernemens étrangers ; il se promène tout le long du jour dans le château de Versailles ; » des huguenots comme Cottereau : « Il est très souvent à Versailles, approche de fort près Sa Majesté. » Cottereau fait de fréquens voyages en Angleterre, publie des libelles contre Mme de Maintenon ; il se répand à son ordinaire contre le Roi en discours tels qu’il serait à craindre « qu’il ne fit quelque coup qui porterait préjudice à toute la France. »

De temps en temps, à vrai dire, on donnait un coup de balai, quand le palais de Versailles en arrivait à être encombré de mendians qui y exerçaient leur profession comme dans la rue. Nous lisons dans le Journal de Dangeau, à la date du 2 juillet 1700 : « On a mis sur pied cinquante Suisses pour chasser du château les gens qui y gueusaient. »

Un filou ne dépouille-t-il pas de ses ornemens le chapeau que Louis XIV vient de déposer sur une table ? Sous la Régence, le jeune Louis XV est installé au Louvre. Les voleurs de la