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bande de Cartouche se répandent familièrement dans les diverses salles du Palais. A l’un des bals qui s’y donnent, Louison, frère de Cartouche, vole au prince de Soubise son épée à poignée d’or estimée 25 000 livres. Un autre jour, « dans une salle attenant à celle où le Roi mange, » Guillain, Marcant, Ferront et Prévost dit Coste, ce dernier, tailleur de son métier tous affiliés à la troupe de Cartouche, vident les poches des nombreuses personnes qui se trouvaient là

En une lettre adressée au lieutenant de police par un certain Nicolas Blondat, le 30 octobre 1765, on voit passer cette cohue bigarrée qui, du matin au soir, se pressait dans les appartemens du Roi :

« J’ai l’honneur de vous rendre compte que, le 25 août dernier, jour de la fête du Roi, — étant à Versailles avec la dame Millot (cette jeune personne, Marie-Marguerite Millot, était la maîtresse de Blondat), pour y voir les appartenons du château, nous fîmes rencontre du sieur Lardier, exempt de la prévôté de l’hôtel, duquel je suis connu depuis plusieurs années, qui me proposa de rester avec lui jusqu’à ce que le Roi fût passé, que nous découvririons sûrement quelques voleurs de montres et de tabatières. Je lui représentai que cela ne se pouvait guère, attendu que j’étais accompagné d’une dame. Il me répondit qu’il allait la conduire, dans un endroit où elle nous attendrait. Il la conduisit à la porte d’un des appartenons de Mesdames... » On se croirait dans la rue.

Lors des fêtes données à Versailles, au mois de juin 1782, en l’honneur du grand-duc Paul de Russie, fils de Catherine II, les grilles du parc sont ouvertes, et la masse du peuple s’engouffre dans les cours, dans les allées, remplit la terrasse :

« La foule, avide de voir, se pressait avec tant d’indiscrétion qu’à un moment le Roi, se sentant poussé, se plaignit ; le grand-duc, qui était près de lui, s’éloigna un instant :

« — Sire, dit-il, pardonnez-moi, je suis devenu tellement Français, que je crois, comme eux, ne pouvoir m’approcher de trop près de Votre Majesté. »

« Il était facile, écrit le docteur Nemeitz, de voir souper Sa Majesté. Elle recevait à sa table toute sa famille et, à moins qu’il n’y eût déjà trop de monde, ce qui arrivait parfois, on était admis. D’ailleurs on pouvait toujours être admis quand on arrivait de bonne heure. » On sait la pudeur farouche de Louis XIII