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ni Louis XV ne l’avaient été. Et l’Empereur ajoute ces paroles qui marquent bien le caractère de ces anciens usages :

« Peut-être aurait-on dû borner cette cérémonie au Prince impérial et seulement au temps de sa jeunesse, car c’était l’enfant de la Nation ; il devait dès lors appartenir à tous les sentimens, à tous les yeux[1]. »


Car la notion des fonctions royales, qui continuèrent de porter les traits essentiels de leurs origines, demeura très vive, chez le souverain comme chez les sujets, jusqu’aux derniers temps de la monarchie.

Au XVIe siècle Bodin écrivait : « Le monarque est un vrai père de famille. » Aux Etats de 1614, Savaron, orateur du Tiers, parlait ainsi dans son discours au Roi : « Ceux qui réclament votre justice, ce sont vos enfans desquels vous êtes le père. » Péréfixe, précepteur de Louis XIV, dit dans son Institittio principis : « Voici comment vous devez parler : « Tous mes sujets sont autant d’enfans que Dieu m’a donnés à garder... Le Roi aura pour ses sujets l’amour d’un père. » C’est la pensée de La Bruyère : « Nommer un roi père du peuple, ce n’est pas faire son éloge, mais sa définition ; » et celle de Bossuet : « L’autorité royale est paternelle, » dit-il dans sa Politique tirée de l’Écriture, et plus loin : « La monarchie a son fondement et son modèle dans l’empire paternel. »

Les souverains ne pensent pas différemment. Voyez l’ordonnance de 1639 : « La naturelle révérence des enfans envers leurs parens est le lien de la légitime obéissance des sujets envers leurs souverains ; » et le Dauphin, fils aîné de Louis XV, disait à son lit de mort : « Le monarque doit être regardé comme le chef d’une nombreuse famille. »

Rétif de la Bretonne, né parmi les paysans, paysan lui-même, puis ouvrier jusqu’à l’âge de trente ans ; Rétif qui sut exprimer avec une incomparable sincérité les sentimens populaires de son temps, écrit aussi : « Notre constitution nous fait jouir du gouvernement du père de famille. » En 1788 encore, le fameux docteur Guillotin : « Le Roi assemble la nation, comme un bon

  1. Frédéric Masson. Napoléon chez lui, p. 261-62.