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ensuite dans toutes les artères : le cœur, c’était Napoléon et le sang c’était sa pensée sans cesse en éveil, que nul n’interrogeait en vain et qui constamment se manifestait par ce signe visible, cette N fulgurante ou la plume écrasée jette des jambages comme une auréole, où, sous la lettre initiale, la vigueur du trait accuse et marque la volonté du maître[1]. »


IX. — CONCLUSION

La France, qui vivait de ses traditions, qui se gouvernait d’une manière indépendante sous la direction de ses « autorités locales » et ne connaissait d’autres lois que ses coutumes séculaires, vit, dès le XVIIe siècle, à Paris et dans la plupart des provinces, ces anciennes traditions s’altérer. On cherche des « lois, » selon le mot du cardinal de Retz, on les cherche « à tâtons. » Après la mort de Louis XIV, cette transformation, qui recevait son impulsion du fond de la nation, prit des proportions de plus en plus grandes. L’une des principales causes en était l’altération des mœurs et des sentimens qui avaient formé la vieille famille française, base de l’édifice dont la monarchie était la clé de voûte. Cette base est donc ébranlée et, par contre-coup, les « ordres » qui constituent la nation se lézardent jusqu’à leur sommet, où la royauté même en est atteinte.

Il serait trop long de montrer ici ce mouvement de désorganisation par le détail.

Que si les tentatives de faire pénétrer dans le pays l’autorité centrale où s’employèrent les ministres de Louis XVI, afin de remplacer par elle les traditions altérées, avaient eu le temps de prendre de la force et de se développer, les troubles de la Révolution ne se seraient pas produits. Quand éclatèrent les violences du 14 juillet 1789, la principale force de la monarchie était toujours encore une force morale. Du jour au lendemain, on s’aperçut combien celle-ci était atteinte et la monarchie n’exista plus.

Quand les érudits auront débarrassé les études sur la Révolution des déclamations et des considérations politiques

  1. Frédéric Masson, Napoléon chez lui, p. 172.