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où se mange le pain ; les voilà en ligne tout près de Palma, formant le quartier des moulins, « el Molinar ; » les voici sur les buttes des environs immédiats de Selva, d’Inca, de la Puebla, de Muro, etc. ; les voici encore, encerclant toute la ville de Manacor, d’une sorte d’auréole de tours gesticulantes. Mais ces moulins ont des « bras » plus nombreux et plus compliqués que partout ailleurs ; sur l’axe sont assemblées six grandes ailes ; l’axe porte, perpendiculairement au plan des ailes, une sorte de grand mât, auquel se rattache tout un réseau rayonnant de cordages qui prend de face l’aspect d’une sorte de toile d’araignée ; chaque aile a sa « voile, » roulée au repos, et que les cordages disposent pour le travail et maintiennent plus ou moins ouverte et plus ou moins inclinée selon l’intensité et selon l’orientation des courans. Il semble que les terriens ont trop vu et de trop près le parti que pouvaient tirer du vent les lambeaux de toile accrochés aux mâts des barques et qu’ils aient tout naturellement perfectionné leurs moulins en les dotant d’une vraie voilure disciplinée par une mâture.


III


Les pêcheurs de Majorque pêchent le thon et la langouste, mais ils sont bien à un aussi intense degré des caboteurs et des convoyeurs ; ils constituent, par là, une autre de ces survivances essentielles de la vie méditerranéenne. Lorsque, durant quelques semaines de printemps, on interdit sur les côtes des Baléares la pêche de la langouste, les bateliers de Soller trouvent le moyen de s’employer ; ils vont chercher jusqu’à Valence, jusqu’aux ports des incomparables huertas espagnoles (dont la plus typique est celle de Valencia), les primeurs que les îles n’ont pas encore, et notamment la première tomate, — car les Majorquins sont presque aussi friands de tomates que de pimens.

Soller est un port de la Sierra occidentale, c’est-à-dire de la vraie région montagneuse de Majorque. Soller est logé à peu près vers le milieu de cette splendide côte escarpée et dentelée qui court à l’Ouest de l’île, du Sud-Ouest au Nord-Est, de la Dragonera au cap Formentor. Il est dominé par les sommets les plus élevés. C’est là le type par excellence de ces agglomérations-jumelles : une oasis d’admirable culture assise, abritée et comme cachée au milieu et au pied des arides « garigues » pierreuses des hauts versans, et une anse d’une ligne circulaire