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à peu près parfaite, ouverte par une simple porte du côté de la haute mer, et qui est le port idéal, placé, abrité et comme caché au milieu du dangereux littoral à récifs.

Soller est le second port de Majorque ; il semble avoir une activité encore plus ancienne et plus lointaine que Palma. Aujourd’hui deux belles routes franchissent la Sierra et aboutissent à la huerta et au port ; mais durant des siècles les habitans de Soller n’ont eu pour sortir de ce « trou » ombragé, de cette « cuvette » verdoyante (certains rattachent le nom de Soller à la racine d’olla, marmite) que des chemins muletiers grimpant les versans abrupts et par-dessus tout les infinis et rayonnans chemins de la mer au delà du port. Telle est cette vieille et très représentative situation méditerranéenne. De Soller, on va quotidiennement sur tous les rivages d’en face, catalans, languedociens, provençaux, on connaît tous les marchés de la France méridionale, on connaît et on pratique ceux qui sont plus éloignés, jusqu’aux rives de la Manche ; on parle naturellement français presque autant que castillan sur le quai ou dans les rues de cette très active cité ; et l’émigration hardie des gens de Soller les conduit même jusqu’aux Antilles.

Voilà ce que fait et ce que crée l’isolement d’un jardin nourricier en pleine montagne, lorsque cet isolement est rompu par l’adjonction naturelle d’une belle station maritime.

La grande Sierra est ainsi « peuplée » à diverses altitudes d’oasis habilement irriguées. À la tête même d’un immense et austère défilé rocheux comme celui que parcourt l’étroit cañon aux admirables sculptures tourbillonnaires du torrent de Pareys, apparaît le petit bassin fermé et cultivé d’Aubarca. Partout se dressent les hauts sommets gris qui portent même à leur cime, bien que de plus en plus clairsemées, les touffes opiniâtres des garigues baléariques auxquelles s’adjoignent quelques plantes nordiques ; et voilà qu’à leurs pieds s’étale la magnificence de ces points privilégiés qui s’appellent Deya ou Valldemosa.

Ce sont les courses à travers la région montagneuse de l’Ouest qui font le mieux comprendre la puissance de l’effort humain. Sur de vastes espaces règnent les cistes ou les myrtes, les romarins et les astragales, les buis et les asphodèles, et ce Chamærops humilis, le palmier-nain ou palmito, le plus septentrional représentant de la si nombreuse famille des palmiers, et celui qui peut affronter à l’état sauvage les climats les moins chauds et les plus secs ; je ne l’avais rencontré dans l’Espagne méridio-