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Blanches et propres, toutes les villes de Minorque, petites ou grandes, sont faites de maisons blanches et propres, blanches d’un blanc éclatant qui est celui de la chaux. Ce n’est plus seulement l’éclat prêté par cette lumière méditerranéenne qui argente même les gris ou les ocres ; c’est le vrai blanc de cette couche de blanc de chaux qu’on passe et repasse sur les murs, à l’extérieur comme à l’intérieur, et qui parfois même à Minorque recouvre jusqu’aux toits ; il n’est pas rare qu’on ait étendu ce « lait » sur la nappe ondulée des tuiles ; aussi bien tout est disposé pour recueillir avec soin toute l’eau des pluies, et celle qui coule sur les toits chaulés, qui dévale par de petites rigoles également chaulées, peut garder une exceptionnelle pureté jusques à la citerne.

Les hommes qui ont vécu sur cette terre où le roc est à fleur de peau, où plutôt même la peau est partout percée par le roc, n’ont pu subsister qu’en déplaçant et replaçant les pierres ; ils ont sans doute construit dès l’origine ces mêmes murs de pierres sèches sans ciment qui défient les averses et les années ; mais ils ont aussi superposé les mêmes pierres sèches sans ciment pour édifier des abris ou des monumens.

Les monumens mégalithiques appelés « talayots » ont été relevés et étudiés par M. Cartailhac. Par le moyen d’assises progressivement rétrécies de gros blocs, les hommes de la préhistoire ou de la première histoire étaient parvenus à faire de vraies chambres ou salles voûtées.

Ce n’est pas sans une vraie joie que les géographes retrouvent vivans les usages de la préhistoire ; en certaines parties de l’île, dans les environs de Mahon, et surtout dans les environs de Ciudadela, la campagne est parsemée d’édicules rocheux à trois ou quatre, cinq ou même six assises, et dont le profil en escalier se présente de loin par-dessus les murs comme pourrait se dessiner sur l’horizon le profil de très grands fromages superposés aux dimensions décroissantes. Ces édicules recouvrent de petites salles voûtées de 3 à 4 mètres de haut, de 4 à 5 mètres de diamètre, qui servent uniquement aujourd’hui pour le bétail ovin ou porcin ; on y abrite quelquefois aussi ce qu’on appelle là-bas pompeusement la « caballeria, » la « cavalerie, » et qui se compose de trois ou quatre ânes ou mulets, exceptionnellement d’un cheval ou deux.

À côté de ces constructions circulaires nommées barracas, on dresse aussi, en vue de la même fin, des constructions rec-