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PLAINTES


Ecoute, ô ma douleur, le murmure du vent.
Il se plaint et gémit comme en une tourmente ;
Dans les bois dépouillés il rôde et se lamente
En mêlant tes sanglots à son lugubre chant.

Ecoute, ô ma douleur, les voix de la nature.
Goûtes-en l’harmonie et la grâce ; un beau jour,
Tout passera : beauté, chagrin, désir, amour,
douleur, traduis-en le rythme et la mesure.

Mais tu reviens, soleil, illuminer mes yeux.
Mon sang déjà brûlant à tes rayons s’enfièvre ;
Ma bouche se détend et je sens que ma lèvre
Perd son rictus amer en souriant aux cieux.

Je veux aimer enfin, oublier le calvaire,
Garder en moi ta douce et puissante chaleur,
Voir au jardin des pleurs refleurir le bonheur
Comme, au printemps, renaît la blanche primevère.


AU LAC MISURINA (ITALIE)


A trois heures du matin.

De ma croisée, à l’aube, à l’heure où tout repose,
Au pied de Cristallis doré d’un reflet rose,
Attendant les rayons éclatans du soleil.
Je contemple ton flot gonflé, lourd de sommeil.

A midi.

O lac Misurina, ta grâce encor m’attire,
Mais vois, l’orage gronde, ah ! que va-t-il détruire ?
La vague, en gémissant, fait ployer les roseaux,
Et baigne, en s’élevant, les feuilles des ormeaux.