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de gentillesses qui fait du deuxième acte de Primerose le plus pimpant et le plus coquet de toute la pièce.

Un à un tous les couvens se ferment ; celui de Sainte-Claire aura le même sort que les autres ; ses jours sont comptés. Voici même que son heure est venue : nous apprenons soudain qu’il va recevoir le coup de grâce. Cette nouvelle cause une consternation générale. Des voix s’élèvent : il faut protester ! il faut résister ! Le seul que cette victoire de l’anticléricalisme semble ne pas émouvoir, c’est le cardinal. Dans une harangue émolliente, il développe ce thème : que l’Église vit de la persécution. D’où il suit que ceux qui la persécutent sont ses véritables amis, et qu’il faut remercier l’État jacobin. La plaisanterie est un peu forte. Ce prélat se moque de nous, de toute sa hauteur et, si j’ose dire, de toute son éminence.

Au dernier acte, la dispersion est un fait accompli. Primerose et la sœur Donatienne ont été rendues au monde. Ici encore, trop de souvenirs et trop récens empêchent que nous nous prêtions sans arrière-pensée à la fantaisie des auteurs. C’est, nous le savons, un terrible drame de conscience que cette interruption de la vie conventuelle. Elle entraîne des désastres. Plusieurs de ces femmes n’ont pu s’adapter aux conditions nouvelles où elles étaient brusquement jetées. Les unes ont pris le parti le plus simple, qui était de mourir. D’autres, désemparées, privées d’une discipline qui chez elles s’était substituée à la volonté, restent livrées à la tentation contre laquelle elles avaient imploré le secours de l’ascétisme. Rappelez-vous le beau livre, si émouvant, de M. René Bazin : l’Isolée. Quel deuil que celui de toutes ces existences bouleversées, exclues de la prière, de la pénitence et du sacrifice !

On est à mille lieues de ces apitoiemens au château de Plélan. Primerose est redevenue une jeune fille à marier. Or nous savons, depuis l’acte précédent, que Pierre de Lancry n’est pas ruiné, et qu’il l’aime toujours, et qu’il attend le miracle qui la lui rendra. Ce miracle vient de s’opérer : il y a une Providence pour les amoureux, et M. Combes est son ministre. Il n’est pas jusqu’à Donatienne, pour qui ne soupire, en arpentant les routes poudreuses que bordent les oliviers, un facteur provençal. L’amour guette toutes ces pieuses personnes. N’assistons-nous pas, entre le cardinal et la vieille Mme de Sermaize, à un vague duo sentimental évoquant un flirt de jeunesse ? Décidément, c’est un grand bienfait que cette suppression des couvens, par quoi la bonne loi naturelle reprend son cours. Gai, gai, marions-nous ! — Ce dénouement était si prévu et nous étions si peu curieux