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La guerre à travers les âges nous apparaît avec des formes et des modalités bien différentes. Dans ce drame sanglant, qui secoue l’humanité à des intervalles plus ou moins éloignés, sans que cependant on puisse en prévoir la disparition, un seul élément est constant, c’est l’homme, qui y apparaît avec toutes ses passions, toutes ses vertus et toutes ses faiblesses, poussées au paroxysme parce que son existence y est constamment en jeu. Mais le but de la guerre, son intensité, ses procédés, ses moyens d’action sont essentiellement variables avec l’état social et politique des peuples et leurs ressources financières et industrielles.

A la fin du XVIIe siècle, tous les Etats européens ont des armées permanentes formées d’hommes enrôlés et soldés, et dès cette époque elles ont atteint le développement qu’elles conserveront pendant le XVIIIe siècle. Ces divers Etats ont leur unité propre, tous ont adopté pour leur gouvernement la forme monarchique. Les souverains se regardaient comme les propriétaires absolus et les administrateurs de grands biens qu’ils s’efforçaient sans cesse d’augmenter, sans que les peuples fussent particulièrement intéressés à ces accroissemens. La guerre devient ainsi uniquement une affaire de gouvernement à laquelle les peuples restent étrangers ; on y procède avec l’argent du trésor du Roi et des armées de mercenaires enrôlés chez soi ou dans les pays voisins. Les souverains eux-mêmes ne maniaient l’instrument de guerre qu’avec circonspection. Ces armées coûtaient cher et, une fois détruites, étaient difficiles à reconstituer. Les entreprises devaient donc être menées avec une extrême prudence ; tout l’art du général en chef consistait à n’employer son armée qu’à coup sûr, c’est-à-dire à ne la porter en ligne que lorsqu’une « décision « avantageuse paraissait certaine. La guerre n’est plus en somme qu’une diplomatie renforcée, une manière plus énergique de négocier, où les batailles et les sièges remplacent les protocoles. A cette époque, le plan de guerre consistait, la plupart du temps, pour l’attaquant à s’emparer d’une province et pour le défenseur à s’y opposer, et les opérations se réduisaient le plus souvent à la guerre de sièges.

On ne recherchait pas la bataille qui coûtait trop cher, et si,