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au général Alvensleben ; en les sauvant ce jour-là, il a assuré leurs succès ultérieurs.

Pouvions-nous, devions-nous être victorieux le 16 août ? Je ne reviendrai pas sur cette question qui a déjà été agitée tant de fois. Cependant le récit de M. Germain Bapst a suscité dans la presse quelques échanges de vues qui lui donnent un regain d’intérêt, principalement en ce qui concerne le rôle du 4e corps français. Ce corps s’engage assez tard dans l’après-midi, à l’extrême droite de notre ligne, et déborde un peu la gauche de la ligne ennemie. Successivement les divisions Grenier et de Cissey, par une vigoureuse attaque, repoussent tout ce qu’elles ont devant elles ; la division de Cissey gagne du terrain et va atteindre Mars-la-Tour et Tronville, quand, subitement, elle reçoit l’ordre de s’arrêter et même de se replier, pour prendre une position défensive, en arrière du ravin qu’elle vient de franchir. Pourquoi ce mouvement de recul en plein succès ? C’est que le général de Ladmirault a vu paraître sur sa droite des troupes du Xe corps allemand qui, faisant œuvre d’initiative, accourent de bien loin au secours du IIIe corps, et qu’il craint lui-même d’être pris en flanc dans sa marche en avant. Pour résister à l’attaque qui le menace, il aime mieux, a-t-on dit, avoir ce ravin en avant de lui que derrière.

Je ne dirai rien de ce que pouvait être la menace de cette contre-attaque allemande ; encore que l’on pourrait citer tel bataillon français qui est resté de cinq heures à onze heures du soir à 800 mètres de Mars-la-Tour et n’y a vu personne, ce qui tendrait à prouver tout au moins que l’attaque des Allemands n’a pas eu grand effet. Mais je veux insister encore sur cette mentalité spéciale de notre commandement d’alors, qui le conduit à s’arrêter en plein succès et à prendre position en face d’une troupe qui s’avance et dont on ne connaît ni l’effectif, ni la puissance d’attaque. Par ce seul fait, on lui donne gain de cause ; et en effet, quel but poursuivait cette contre-attaque allemande ? Dégager la gauche du IIIe corps qui était fortement compromise par la marche en avant du 4e corps français. Si ce 4e corps s’arrête à la simple vue des troupes de secours, il cesse son action contre le IIIe corps allemand et le but poursuivi par l’ennemi est atteint.

Les généraux français de 1806 avaient une autre conception de la conduite à tenir en pareille circonstance. M. Henry Houssaye,