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vers Charmes. Ainsi la première pensée, après la défaite du 6 août, est de faire affluer toutes les troupes de Lorraine dans le camp retranché de Metz.

Est-ce bien là le rôle qui devait être attribué à cette place ? Il me souvient à ce propos d’une leçon qui nous était faite à l’École d’application de Metz en 1866 par notre professeur d’art militaire, le capitaine Perron, depuis général et ministre de la Guerre. Il s’agissait de définir le rôle et l’importance de la place de Metz, et l’exposé qui nous était fait à ce sujet peut se résumer ainsi qu’il suit.

Dans le cas d’une invasion de la Lorraine par des forces supérieures, l’armée française ne devrait pas se laisser enfermer dans le camp retranché de Metz. Abandonnant cette place, pourvue d’une garnison suffisante, elle battrait en retraite dans la direction de Nancy et des Vosges, pour venir prendre position sur les plateaux de Charmes et de Rambervillers, en appuyant sa droite aux Vosges à hauteur de Saint-Dié.

Dans cette position, l’armée française, malgré son infériorité numérique, pourrait arrêter l’envahissement du pays ; car devant elle l’ennemi n’oserait marcher sur Paris, tandis que, par ses relations faciles avec le Sud et l’Ouest, elle pourrait recevoir des renforts qui tendraient à rétablir l’égalité des forces.

Quand bien même l’armée française serait obligée de rétrograder sur Belfort, à la pointe Sud des Vosges, rien ne serait compromis ; parce que, conservant toujours ses communications assurées avec le centre du pays, elle pourrait sans cesse recevoir des renforts et des ravitaillemens.


Que serait-il advenu en 1870, si l’on avait adopté le système de défense préconisé dans les lignes qui précèdent ? Il est bien difficile de formuler une opinion sur l’issue finale de la guerre ; mais on peut affirmer du moins que si, après les défaites de Spicheren et de Freschwiller, nos armées d’Alsace et de Lorraine s’étaient retirées vers le Sud, parallèlement aux Vosges, elles n’auraient pas été séparées définitivement. L’ensemble de nos forces aurait ainsi formé une seule masse qui, en communication constante avec le reste du pays, pouvait manœuvrer et combattre, sans s’exposer à des désastres comme ceux de Metz et de Sedan.

Les événemens tels qu’ils se sont passés nous montrent au