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chaque extrait aqueux d’un végétal, ou d’un animal ou d’un liquide humoral quelconque, contient une substance colloïde qui lui est plus ou moins spéciale, il s’ensuit que, sans exception, tout extrait organique, animal ou végétal, est anaphylactisant.

On a pu provoquer l’anaphylaxie avec des extraits de riz, de pois, de fèves, de haricots ; avec les matières albuminoïdes, toxiques ou non, retirées de diverses plantes, avec les extraits du corps des microbes, avec l’extrait musculaire, l’extrait cérébral, l’extrait rénal, l’extrait globulaire, avec le lait, l’urine, les sérums les plus divers de mammifères, d’oiseaux, de poissons, avec les œufs, avec le liquide amniotique, avec les extraits de tumeurs cancéreuses, avec les extraits glandulaires de toutes glandes de tous les animaux. De sorte que ce qui serait à chercher ce ne serait pas quelles substances albuminoïdes peuvent déter miner l’anaphylaxie, mais bien qu’elles ne la détermineraient pas. Car, s’il en existe, ce qui est douteux, elles sont assurément en petit nombre.

Ce qui est remarquable, c’est la spécificité rigoureuse de leur action. Un cobaye anaphylactisé par l’œuf de pigeon n’aura de sensibilité accrue que pour une injection ultérieure d’œuf de pigeon ; ni l’œuf de poule, ni l’œuf de cane n’auront sur lui une autre action que sur un animal neuf.

Cela a entraîné une curieuse application de l’anaphylaxie à la médecine légale. En effet de petites quantités de sang desséché, appartenant à des animaux d’espèces diverses, ont pu, par la réaction anaphylactique, être déterminées comme appartenant à telle ou telle espèce animale.

Soient par exemple, quelques parcelles de sang dont on ne connaît pas la nature. Il s’agit de savoir si c’est du sang d’homme, de chien, de bœuf, de porc, de poule ou de rat. On prépare alors des cobayes à qui on injecte du sérum d’homme, ou de chien, ou de bœuf, ou de porc, ou de poule ou de rat. Puis, le moment venu, c’est-à-dire un mois après, à chacun de ces divers cobayes on injecte la même quantité de sang inconnu dont on veut préciser la nature.

Si l’un d’eux présente des phénomènes morbides et succombe, par exemple le cobaye qui aura reçu antérieurement du sang de chien, on en conclura que le sang incriminé était en réalité du sang de chien.