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Les forêts domaniales et les forêts privées. — On a peine à croire que la législation contrarie la sylviculture privée, car les forêts domaniales, auxquelles on pense toujours, sont l’objet de la sollicitude des pouvoirs publics. Leur gestion, confiée à un personnel savant et dévoué, peut servir à tous de modèle ; mais elles n’occupent qu’un neuvième de l’aire forestière, et, en y ajoutant les forêts communales soumises au régime forestier qui en occupent deux autres neuvièmes, on trouve seulement un tiers de la surface boisée sous l’administration tutélaire de l’État.

Quant aux forêts appartenant aux particuliers, qui forment une surface double, elles semblent ignorées des pouvoirs publics : il n’en est fait mention ni dans le budget de l’Etat, qui ne comprend pas un centime d’encouragement à leur adresse, ni dans les grandes commissions, ni dans les comités consultatifs, où elles ne possèdent aucun représentant, et l’on peut attribuer à ce fait l’adoption récente par le Comité consultatif des chemins de fer d’un tarif réduit pour l’exportation des extraits tanniques, qui constitue une nouvelle prime au déboisement ; elles ne figurent même pas dans la nomenclature des services des ministères, où personne ne sait dans quel carton vont s’empiler les vœux des sociétés forestières. Cet inexplicable oubli a d’ailleurs été signalé le 22 février 1910 à la Société nationale d’encouragement à l’Agriculture, par M. Cyprien Girerd, ancien sous-secrétaire d’Etat, qui fut longtemps chargé de l’administration forestière et préside actuellement une section de la commission extra-parlementaire à laquelle incombe l’étude de toutes les questions sylvo-pastorales. « Les pouvoirs publics, disait-il, n’interviennent auprès de l’exploitation forestière que pour lui créer des obstacles, des gênes, des entraves par des prohibitions et des réglementations : leur existence ne se manifeste que par la réquisition d’impôts, et quels impôts ! On sait que, par suite des bizarreries ou des erreurs des évaluations cadastrales, il y a des propriétés boisées dont les contributions aux charges publiques vont jusqu’à dépasser leur revenu. »

Deux budgets ont été votés depuis, sans que cette situation ait été améliorée d’aucune façon, et il n’est pas inutile de chercher comment les forêts privées sont restées hors la loi.

La question a été récemment traitée par un jurisconsulte