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1827, les règles imposées par le code à l’usufruitier sont devenues un nid à procès bien plus qu’une garantie sérieuse. La jurisprudence tourne la difficulté en n’autorisant pas l’achat pupillaire des bois, et, pour ne pas désobliger le tuteur par l’étalage de considérations pouvant avoir un caractère de suspicion, on invoque les risques d’incendie, d’invasion d’insectes ou de maladies cryptogamiques ; cet ostracisme de la propriété forestière a si profondément pénétré dans la jurisprudence que la ville d’Embrun, légataire de la forêt de Cadarache, n’a été autorisée à en accepter le legs qu’à la condition de la vendre. Ainsi le défaut d’adaptation de la législation civile a pour résultat de déprécier la propriété forestière, d’abord par l’élimination de nombreuses catégories d’acheteurs, puis par la réputation calomnieuse d’insécurité dont on la gratifie pour les besoins de la cause.

Ces reproches gratuits d’insécurité ont d’ailleurs été étalés on détail dans des documens officiels et officieux chaque fois qu’a sévi la rage d’aliéner les forêts domaniales[1], et, telles les paroles gelées dont parlait Rabelais, ils reparaissent dans toutes les discussions forestières.


La facilité d’avances, fort considérable pour les possesseurs de valeurs mobilières qui peuvent obtenir en quelques heures des avances sur titres pour les trois quarts de leur valeur, est déjà bien réduite pour les propriétaires d’immeubles urbains ou culturaux, auxquels il faut généralement un délai de plusieurs semaines pour contracter un emprunt hypothécaire ; mais cette dernière ressource devient à peu près illusoire pour le propriétaire forestier. Le capitaliste sollicité de faire un placement, garanti par hypothèque sur une forêt, considère que le sol est seul à constituer un gage de tout repos, le bois pouvant être détruit par un incendie ou enlevé par le propriétaire.

Le vote de la loi « tendant à favoriser le reboisement » résoudra cette difficulté, en permettant au propriétaire d’offrir comme gage de tout repos la valeur totale de sa forêt « assurée contre l’incendie et volontairement soumise au régime forestier, » car il ne dépendra plus alors que de lui de remplir ces deux conditions, dont la seconde est encore irréalisable. Il

  1. L’Aliénation des forêts de l’Etat devant l’opinion publique, Paris, 1865, Rothschild, éditeur.