Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 6.djvu/465

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il lui a plu d’emprunter à un maître tout nourri d’instincts et de sentimens catholiques ? Et que pourrait-on imaginer de plus étonnant que la page où M. Harrison, avec un sérieux imperturbable, tâche à nous prouver la supériorité « religieuse » de son église sur toutes les misérables « confessions « chrétiennes ? « Les efforts réunis de toute la Compagnie de Jésus et de la Propagande romaine, — nous dit-il, — ne parviendraient pas à faire sortir quelque chose de céleste des élémens de géométrie ou des sections coniques. Mais quand le conférencier positiviste explique le premier livre d’Euclide ou les sections coniques, il est inspiré du souvenir de quelques-unes des périodes critiques de l’histoire de l’humanité : il rappelle avec révérence les noms de Pythagore et d’Archimède ; il indique les places que ces hommes ont tenues dans le calendrier sacré de l’humanité. Quand le positiviste enseigne les mathématiques, il sait qu’il enseigne une doctrine religieuse. »


Heureusement, cette peinture de la partie proprement religieuse et « pontificale » de la carrière de M. Harrison ne tient qu’une place assez restreinte dans les deux gros volumes qui, sous leur titre de Mémoires autobiographiques, sont en réalité beaucoup moins des « Mémoires, » — au sens ordinaire de ce mot chez nous, — qu’un échantillon du vieux genre anglais du « mémoire biographique. » On sait en effet que l’usage existait jusqu’ici, chez nos voisins d’outre-Manche, de consacrer l’un de ces « mémoires » au récit de la vie de tout homme qui, d’une manière quelconque, avait eu en son temps une certaine notoriété. Tout ancien ministre, tout général ou amiral, tout professeur d’université, —pour ne rien dire des artistes et écrivains renommés, — avait coutume de désigner, en mourant, l’un de ses amis pour rédiger et publier, après sa mort, un ou deux volumes contenant à la fois sa biographie et sa correspondance, — sauf même parfois, pour ce « mémoire » quasi « officieux, » à ne pas être mis dans le commerce, et à garder toujours le caractère d’un document tout privé. Pendant plus d’un siècle, ce genre particulier s’est maintenu fidèlement, dans les mœurs littéraires anglaises, avec des lois et des traditions presque invariables : au point que tel « mémoire » publié l’année dernière, et employé à la biographie d’un sculpteur ou d’un peintre, reproduisait à peu près exactement la disposition générale, l’ordre, et jusqu’au ton d’un « mémoire » d’il y a quatre-vingts ans, où le fils d’un diplomate du règne de George IV avait raconté la vie de son père, et cité une longue série de ses