Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 6.djvu/471

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

absolument extraordinaires, si, trop souvent, les passages qu’il y a consacrés à tel orateur politique, à tel poète ou prosateur fameux, ne se bornaient pas à nous apprendre quand et comment il a eu l’occasion de rencontrer ces divers personnages. Seules, les figures du professeur positiviste R. Congreve, de Ruskin, et du cardinal Manning ont eu l’heureux privilège de nous être présentées sous un jour plus intime, et avec un relief plus accusé. Le lecteur trouverait cependant à recueillir çà et là, sur d’autres figures encore, de menus renseignemens dignes d’attention. C’est ainsi que M. Harrison insiste à deux reprises sur les causes et les circonstances de la ruine politique du célèbre chef irlandais Charles S. Parnell. « Je me trouvais tout près de lui, — nous dit-il, — au mémorable procès de 1889, où sir Charles Russell a prononcé son grand plaidoyer en faveur du leader irlandais. Pendant que l’avocat continuait à rappeler l’histoire de la carrière politique de Parnell, celui-ci s’était penché en avant, et avait enfoui son visage dans ses mains. Ç’avait été là un épisode dramatique (ou mélodramatique) ; mais je ne suis pas du tout certain qu’il n’ait pas été prémédité. » Après quoi, M. Harrison esquisse un rapide portrait du fameux leader : « Personnellement, Parnell était la figure la plus élégante et la plus distinguée entre tous les hommes publics de son temps. Mais il m’a laissé l’impression d’une sorte d’orgueil surhumain, et quasi satanique. Il ne s’inquiétait nullement d’améliorer le sort du peuple irlandais : sa seule ambition était d’amener l’Angleterre à s’avouer vaincue... Ce chef du parti irlandais n’avait en soi rien d’irlandais, si ce n’est sa haine de race et sa beauté. Il était intensément anglais, ou plutôt le pur aristocrate normand. Mais il a ruiné sa cause par sa passion égoïste et son insolent orgueil. »

Du cardinal Manning, au contraire, M. Harrison, — malgré sa constante aversion pour le catholicisme, — paraît avoir gardé le meilleur souvenir. Il croirait volontiers que le vénérable prélat s’était mis entête de le convertir. En tout cas, le cardinal Manning aimait à s’entretenir avec lui de sa foi positiviste ; et nous ne saurions trop regretter que son éminent interlocuteur n’ait pas essayé de méditer la profonde justesse de telles de ses paroles à ce sujet, qu’il nous a rapportées : « Le positivisme, affirmait notamment le vieux cardinal, est un noble torse dont la tête a été coupée. » Ou bien encore : « La mère catholique d’Auguste Comte et toute son enfance ont inscrit dans son cœur les vérités de la religion en caractères invisibles, mais qui ont commencé à reparaître en lui durant ses dernières