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Testament, s’affirment nos cliens et protégés naturels. Groupés en cohorte distincte, les représentans européens des intérêts français se complimentent ou se méprisent poliment : les uns ont les figures ouvertes, le regard clair, le verbe communicatif, les accens des différens terroirs de France ; les autres ont les épaules lourdes, le teint basané, les physionomies inquiétantes de frères de la côte égarés dans un salon. La mission militaire, au grand complet, où le lieutenant-colonel Mangin, le commandant Brémond, simples et affables, portent avec aisance leur nimbe de héros, jette dans ce ton brouillé de robes noires, de jaquettes grises et de vestons blancs, les ors de ses uniformes, le chatoiement de ses décorations, de ses plumets, de ses pantalons rouges et de ses dolmans bleus. Quelques notabilités indigènes, bouffies et roses sous le vaste turban de cérémonie, se donnent sans trop de peine un air aimable, et dispersent au vent des complimens arabes que nul n’écoute et ne comprend. Un éphèbe mince et blond, sanglé dans son bel uniforme d’élève-consul, s’empresse dans le rôle ingrat de jeune fille de la maison : des serviteurs corrects et propres font circuler des assiettes de pâtisseries arabes, délicates et jolies, des coupes de Champagne pour les Européens, des sirops pour les Juifs et les Musulmans. Et dans un recoin sombre, des personnages graves déchiffrent des télégrammes, rédigent fébrilement des réponses diplomatiques, et commentent en termes distillés le remplacement de la Panther par le Berlin.

L’arrêt de nos troupes devant Meknès semblait être la première conséquence de ce coup de force imprévu. Le général en chef avait, en effet, terminé les opérations dirigées contre la kasbah d’El-Hajeb où il avait laissé en garnison un tabor chérifien, pour la surveillance des turbulens Béni.Mguilds. La jonction, à Tiflet, avec les troupes du général Ditte venues de l’Ouest, obtenue après le combat de Souk-el-Arba, permettait d’ouvrir une ligne de communications entre la capitale et Rabat, par Meknès, Souk-el-Arba, Tiffet, Sidi-el-Barraoui, beaucoup plus courte que la route du Nord suivie par les colonnes Moinier et Gouraud pendant leur première course vers Fez. Mais, tandis que les troupes de la Chaouïa, sous le commandement du colonel Branlières, commençaient le châtiment si souvent différé des Zaërs, les brigades Gouraud, Dalbiez et Brulard qui, malgré les prélèvemens faits pour les garnisons de