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n’aura pas de meilleurs ouvriers : leur organisation particulière les a préservés des impedimenta de l’européanisation. Les problèmes de leur entretien, et surtout de leur nourriture sont très simplifiés. Les convois restreints qui les accompagnent leur permettront d’aller partout, de déconcerter par leur mobilité les guerriers les plus agiles, sur lesquels leur courage et leur entrain endiablés exerceront bientôt le même ascendant que dans l’Afrique centrale ou Madagascar.

Pour des raisons de sentiment ou de politique, zouaves et légionnaires ont joué un rôle assez effacé dans le deuxième acte de notre intervention au Maroc. La composition de la troupe où les rengagés sont en minorité, l’époque des opérations actives trop voisine de la libération de la classe, la nécessité de conserver au 19e corps, en cas de complications, la majeure partie de ses effectifs français, ont certainement contribué à ne faire donner aux zouaves que l’importance d’une députation dans l’assemblage bigarré de notre petite armée.

Des légionnaires, il n’y a rien à dire qu’on ne sache déjà Ces braves soldats nous rendront d’excellens services. Sans partager le snobisme de ceux qui les considèrent comme l’élite indiscutable de l’armée française, tout observateur impartial doit reconnaître qu’ils sont, pour l’affaire marocaine, l’élément le plus précieux des troupes d’Algérie. Ils ont, avec un esprit de corps intense, le savoir-faire universel des hommes qui ont beaucoup vu et beaucoup retenu. En peu de temps, un détachement de légion, livré à lui-même, loin du télégraphe, des schémas, des instructions et des prescriptions de l’autorité supérieure, fait sortir de terre un domaine rural, confortable et bien administré. Le respect fétichiste des traditions « africaines » lui donne souvent l’aspect anguleux des ouvrages copieusement fortifiés, mais le jardin potager se réserve une place considérable ; un troupeau est constitué avec soin ; la basse-cour se peuple, car la variété dans l’alimentation est la meilleure hygiène préventive du soldat européen en pays exotique. Autour du poste, au hasard des randonnées et des conversations, les officiers dressent une carte sommaire de la région. Les troupiers attendent, dans la douce quiétude des occupations champêtres, le retour imprévu des jours glorieux : le bouvier, le jardinier, le charpentier, le maçon, le surveillant des travaux de routes, décrochent alors leur fusil et, bravement, vont chercher