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désirait étendre cette réconciliation à la Russie ; nous avons été dans la direction ainsi marquée. Des relations difficiles, une fois de plus, ont été changées en des relations d’amitié. Notre entente avec la France et avec la Russie est en elle-même une garantie que ni l’une ni l’autre de ces nations ne se laissera aller à une politique agressive contre l’Allemagne, leur voisine comme la nôtre. » La Double-Entente subsiste donc, et même elle s’est développée en Triple-Entente. Elle est de direction pacifique. Tout de suite il importe d’écarter les malentendus, ou, si l’on le veut, de décourager les illusions : c’est pour ce type de l’honnête homme qu’est sir Edward Grey un devoir impérieux d’honnêteté. D’une main aussi ferme que celle dont il en maintient le principe et en consacre la durée, il trace les limites de l’entente cordiale. « Le concours que nous pouvons donner à la France et à la Russie, à une heure difficile, dépend entièrement du sentiment du Parlement et de l’opinion publique à ce moment. La France et la Russie savent que l’opinion publique anglaise ne les soutiendrait pas dans une guerre d’agression contre l’Allemagne. » C’est révéler suffisamment que l’entente cordiale n’est qu’une entente cordiale, dont la permanence est faite de la permanence des sentimens réciproques, sans engagemens formels, sans stipulations ni obligations positives qui vaillent pour toutes les circonstances et quelle que soit en tout moment l’inclination, la disposition de l’opinion publique ; qui soit aussi solide malgré elle ou contre elle qu’avec elle et par elle. Mais cette révélation n’en est pas une. Elle n’en serait une que pour ceux qui auraient été capables de s’imaginer que, parce qu’il y a, aux yeux de l’Angleterre, une France et une Russie, il pourrait ne plus y avoir premièrement, préalablement, principalement, perpétuellement, et souverainement, l’Angleterre.

À l’égard de l’Allemagne, « sa force lui garantit qu’elle sera respectée et lui est un légitime sujet de fierté. Mais l’opinion publique allemande doit penser qu’il y a un revers à la médaille. Si la nation qui a la plus grande armée de l’univers veut acquérir par surprise une forte marine (une autre traduction dit tout bonnement, et je regrette de n’avoir pas sous la main le texte même : une nation qui possède la plus grande armée du monde et une très bonne marine), cette nation-là « doit tout faire pour dissiper les soupçons qui, dans chaque pays, ne peuvent manquer de s’éveiller. L’Allemagne bâtit une puissante flotte : elle ne doit pas s’étonner de certaines inquiétudes (l’autre traduction dit : il est naturel que la croissance continue de cette force fasse naître la crainte que l’Empire allemand nourrisse des desseins