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LE CHÂTEAU DE LA MOTTE-FEUILLY EN BERRY.

longue agonie, elle expira au milieu de la désolation générale. La douleur de Charlotte fui immense. Elle devait survivre plus de neuf années à son amie. Lorsqu’elle expira elle-même, son vœu le plus ardent fut exaucé, et ses restes mortels furent transportés à Bourges auprès de ceux de Jeanne.

En l’année 1502, Charlotte fut sur le point d’aller rejoindre César Borgia en Italie. Il semble même qu’elle devait lui amener sa fille, la petite Loïse, dont le marquis François de Gonzague, de Mantoue, avait sollicité les fiançailles avec son fils, le prince héritier, Frédéric. Le cardinal Amanieu d’Albret devait accompagner sa sœur et sa nièce. Mais Charlotte tomba gravement malade, et le voyage d’Italie fut abandonné.

Il est grand temps de parler de ce château de la Motte-Feuilly qui est le but principal de cet article. Charlotte y a vécu dix ans avec sa fille dans la retraite la plus absolue. C’est là qu’au printemps de 1507, elle eut la douleur d’apprendre la mort tragique et misérable de son sanguinaire époux. C’est là qu’elle mourut elle-même en 1514.

Les agrestes environs de la charmante petite ville de La Châtre et de la Vallée Noire, tant vantés par l’illustre châtelaine de Nohant, sont peuplés d’antiques demeures féodales, véritables forteresses médiévales avec hautes tours cylindriques, coiffées de toits aigus, qui redisent encore les hauts faits de notre vieille histoire nationale, et surtout la lutte séculaire contre l’Anglais au XIVe siècle. Une aimable hospitalité reçue dans celui de ces châteaux où George Sand a placé les principales scènes des Beaux Messieurs de Bois-Doré m’a permis de parcourir à mon aise cette région si riche en souvenirs guerriers de la vieille France. De tant d’impressions poignantes rapportées de ces courses de quelques jours, je ne parlerai ici que de ma visite au solitaire et mélancolique manoir de la Motte-Feuilly. L’antique seigneurie, devenue la résidence de la duchesse de Valentinois, est située à deux lieues de La Châtre, auprès d’un tout petit hameau. Son nom, trop souvent mal orthographié ou déformé dans les actes du temps, constamment écrit : Mons Foliatus dans les anciens documens latins et qui devrait s’écrire en réalité la Motte Feuillue ou Feuillée, s’orthographie actuellement et depuis longtemps la Motte-Feuilly. Au moment où Charlotte en fit l’acquisition, elle appartenait à la famille de Culan qui possédait à peu de distance le magnifique château