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de ce nom, aujourd’hui encore une des gloires féodales du Berry.

« En dehors du voisinage de Jeanne de France, le choix de cette résidence par Charlotte, dit M. Bonnaffé, n’était pas indifférent, car le fief de la Motte-Feuilly, situé dans le Bas-Berry, entre La Châtre et Château-Meillant, était voisin de plusieurs seigneuries appartenant à Jean d’Albret, son oncle, à Jean de Brosse, son cousin, à sa cousine Louise de Bourbon, à ses parens les La Trémoïlle. »

Dès l’origine, dit le même auteur, Charlotte eut des procès à soutenir pour sa nouvelle acquisition. Une partie des revenus de la Motte-Feuilly fut frappée d’opposition ; il fallut payer aux vendeurs un supplément de prix, désintéresser leur sœur, moyennant un nouveau payement de deux mille livres. Enfin, le 1er février 1505, intervint une sentence définitive du prévôt de Paris ordonnant que « la terre et seigneuries de la Motte de Feuilly, les fruits et revenus d’icelle soient délivrés au profit de la duchesse et l’empêchement mis en eux levé et ôté. » Charlotte, on le sait, était fort riche. Elle avait l’administration des biens très considérables de son mari en France. Probablement César avait préférer mettre une partie de sa fortune dans ce pays et en confier le soin à sa femme.

« Au temps où la duchesse de Valentinois vint à la Motte-Feuilly, dit Edmond Plauchut, de grands bois couvraient le pays. Les loups les peuplaient, comme aujourd’hui parfois encore et la principale et unique pièce d’eau que l’on vit dans le voisinage, l’étang de Rougères, n’était animé que par des passages de grues qui se plaisent sur ces rives désertes. S’il est un ciel presque toujours exempt de tempêtes, une atmosphère tiède et calme, des nuits silencieuses, des levers et des couchers de soleil empreints d’une grande tristesse, c’est bien dans cette région du centre de la France qu’on les rencontre. À calle qui voulait oublier le monde et s’en faire oublier, le site convenait. »

Charlotte résida à la Motte-Feuilly jusqu’à sa mort, dans une solitude presque absolue, uniquement occupée à prier Dieu, à élever sa fille, à faire du bien autour d’elle, surtout à faire à ses humbles vassaux et aux pauvres des villages environnans des visites charitables. File allait les voir tantôt sur sa haquenée à la selle de velours cramoisi recouverte de drap d’or, tantôt