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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/300

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qui le faisaient ressembler par le poids et par la solidité des argumens à une forteresse en marche. L’accusateur public avait parlé d’un manifeste orléaniste. Il ne s’agit pas là de politique, répondait l’illustre avocat. Dans un discours qui ne les concernait en rien, à propos d’une question à laquelle ils n’étaient pas mêlés, les princes d’Orléans ont été personnellement et violemment attaqués. L’un d’eux a répondu, n’était-ce pas son droit ? Pouvez-vous lui reprocher d’avoir défendu l’honneur de sa famille ? Si vous lui faites un reproche d’avoir engagé le gouvernement dans la querelle, oubliez-vous que c’est le gouvernement lui-même qui s’est solidarisé avec l’orateur du Sénat en faisant afficher le discours à la porte de toutes les mairies de France ? Si vous vous sentez atteints, c’est vous qui l’avez voulu. « Je n’admets pas qu’il soit loisible au gouvernement, même le plus absolu, d’écrire ou de répandre des offenses, sans être exposé à des représailles. » Malgré cette vigoureuse défense, malgré une plaidoirie non moins forte d’Hébert, l’imprimeur et l’éditeur furent tous deux condamnés à la prison et à l’amende.


IV

Pendant que, suivant le mot du duc Pasquier, « ce grand événement » s’accomplissait en France, le Duc d’Aumale, de mieux en mieux accueilli par la haute société anglaise, était invité à présider le banquet de la Société Royale littéraire de Londres qui fêtait son soizante-douzième anniversaire. Le Prince y prit la parole en anglais ; son discours, prononcé presque à l’époque où fut écrite la Lettre sur l’Histoire de France, nous permet d’apprécier toute la souplesse, toute l’élasticité de ce rare esprit. La réponse au prince Napoléon, écrite de verve et comme d’un seul jet, révèle des qualités supérieures d’historien et de polémiste. La langue en est pleine de saveur, toute pénétrée d’ironie et de dédain, en même temps qu’appuyée sur les connaissances historiques les plus solides. Tout autre est le ton du discours prononcé en Angleterre devant une réunion d’écrivains et d’hommes politiques. Tout y est au contraire en nuances délicates et fines, tout y respire la bonne grâce et l’aisance de l’esprit le plus cultivé. Quoi de plus propre à toucher les Anglais que la reconnaissance exprimée par le Prince pour l’accueil qui lui est fait, pour la généreuse hospitalité qu’il reçoit en