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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/657

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elle-même lui imposaient parfois des limites. Ni celle qui s’applique à la personne ni celle qui s’applique aux biens ne s’exerçait toujours sans contrôle et sans partage. Bien que la jurisprudence se montrât, pour l’éducation, favorable aux droits de la mère et exigeât, pour qu’elle en fût privée, des causes graves, les dispositions prises à ce sujet par le père défunt prévalaient sur ces droits, et la coutume de Bretagne attribuait même le règlement de la question au conseil de famille. Pour le mariage, la volonté de la mère était bien plus souvent soumise à l’avis du tuteur et des plus proches parens. Au milieu du XVIIe siècle, le tuteur de Marie de Peschart fit opposition au mariage de sa pupille qui avait été fiancée par sa mère à un cadet de la maison de Maillé et, comme on avait passé outre, le fit annuler. En Normandie, le mariage dépendait beaucoup moins de la mère ou du tuteur que d’un conseil de famille formé de six parens de chaque ligne. Le pouvoir de la mère sur les biens était à plus forte raison soumis à certaines restrictions, mais elle n’en était pas moins presque toujours tutrice testamentaire, légitime ou dative.

L’autorité de la mère survivante échappait à ces limitations légales quand le mari défunt, éclairé sur les vertus et la capacité de la mère par celles qu’il avait reconnues dans l’épouse, avait réglé de la façon la plus honorable et la plus avantageuse pour elle les rapports qui devaient exister entre sa veuve et ses enfans. Or cela arrivait communément et dans les pays de coutume et dans les pays de droit écrit. On voit beaucoup de pères de famille instituer leur femme survivante héritière universelle, avec dispense d’inventaire et de reddition de compte, lui laisser toute leur autorité sur leurs enfans, en faire le chef de l’hoirie dans ce qu’elle a à la fois de moral et de matériel. Les enfans n’étaient inscrits alors sur le testament qu’à titre de légataires. Tantôt cette hérédité comprend la pleine propriété qui est alors grevée de substitution au profit d’un ou de plusieurs des enfans, tantôt elle ne comprend que l’usufruit, soit jusqu’à la mort de l’héritière, soit jusqu’à la majorité de vingt-cinq ans des enfans, dont l’entretien et l’éducation sont, jusqu’à ce qu’ils l’aient atteinte, mis à sa charge. Le choix de l’enfant à qui passera le patrimoine, la liberté de prendre des dispositions qui tiendront compte des mérites de chacun lui sont quelquefois réservés. Ce règlement de biens, dans ce qu’il a d’essentiel et sous sa forme la plus usitée de succession usufructuaire, répondait si bien