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chronique scandaleuse et les archives judiciaires nous avaient fournis. Cette affection, cette confiance, les femmes les durent beaucoup à leurs mérites de ménagères, de maîtresses de maison, de gérantes du patrimoine commun, d’auxiliaires de la carrière du chef nominal de l’association domestique. C’est sous cet aspect qu’il nous reste à les envisager.


Il y a un principe qui domine le partage des attributions dans la vie des conjoints. Il vient de loin, puisque Aristote y a attaché son nom (Pol. III, II, 10) et c’est sous son empire que s’est constituée pendant longtemps leur collaboration. C’est celui qui attribue à l’époux la mission d’acquérir, à l’épouse celle de conserver. C’est par suite de cette conception que les biens acquis par elle après son mariage étaient présumés provenir de l’industrie du mari et qu’il incombait à sa compagne de faire la preuve, si cela était contesté, que l’acquisition lui en était due. Parmi les services qu’elle rendra aux intérêts communs, c’est d’abord les plus humbles, ceux de la ménagère qui vont nous occuper.

Nous avons établi, quand nous avons parlé de l’éducation[1], qu’après la formation morale et chrétienne qui en était le premier objet et dont ils ne séparaient pas les bienséances en rapport avec la condition sociale de la jeune fille, il n’y avait pas, pour nos ancêtres de la première moitié du XVIIe siècle, de partie plus importante dans la pédagogie féminine que les connaissances ménagères. C’était à quoi s’appliquait tout d’abord la sollicitude maternelle. Catherine de Meurdrac, que nos lecteurs, nous l’espérons, n’ont pas oubliée, était à peine sortie de la première enfance que sa mère lui donnait de petites tâches à remplir dans la maison et lui faisait rendre compte de la façon dont elle s’en était acquittée, et la fillette ne semble pas, jusqu’à l’Age de dix ou douze ans, s’être occupée d’autre chose. Mme de Brézal ne s’y prenait pas autrement que la mère de Catherine. Seulement ce n’était pas à des enfans qu’elle avait affaire, c’était à des jeunes filles, et ces jeunes filles elle n’en était pas la mère. Restée veuve a vingt-deux ans avec un seul enfant et décidée à ne pas se remarier, elle avait vendu son écurie et son équipage de chasse et employé le produit de la

  1. Voyez la Revue du 15 janvier 1909.