Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/856

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soit à l’Ouest, par l’oasis du Tafilalet. L’organisation de notre protectorat sur l’empire chérifien, l’occupation prévue de Mourzouk et de Ghadamès par les troupes italiennes permettront de faire cesser complètement la traite des esclaves. La civilisation européenne installée sur tout le rivage africain de la Méditerranée, du cap Spartel à Port-Saïd, devra, pour se maintenir, purger l’arrière-pays de ses derniers brigands et, lorsque les routes du Sahara deviendront sûres, un grand courant d’émigration libre ne tardera pas à faire affluer dans la Berbérie les travailleurs murs qui sont déjà très appréciés par nos colons. Mais cet avenir, pour être assuré, demeure encore lointain. Les esprits se sont illusionnés en croyant qu’un décret suffirait pour faire surgir du continent noir des légions innombrables. Ce qu’il faut rechercher pour le moment, c’est le moyen d’organiser des contingens mercenaires pour obtenir un rendement rapide et pratique. Dans l’état actuel des choses, cette organisation est-elle possible ? Quelle est la vraie valeur de ces soldats ? où doivent-ils être stationnés ? Nous avons établi sans peine que le noir peut vivre en Algérie, mais nous verrons que les troupes sénégalaises ne sont guère en état de tenir garnison dans nos trois départemens de l’Afrique du Nord.

On peut transporter dans les terres lointaines des soldats de toutes les races, en vue d’une opération de guerre déterminée ; mais, pour l’occupation permanente d’un territoire, les troupes indigènes doivent être recrutées dans la population même du pays conquis, ou tout au moins dans les groupemens de la même famille ethnique. Les tirailleurs algériens ne seront jamais dépaysés au Maroc et les Sénégalais trouvent dans les parages du lac Tchad les mêmes conditions d’existence que sur les rives du Niger. Dès qu’il s’agit de transplanter les individus, il est bon de s’assurer que la situation économique et sociale du nouveau milieu se prête à cette délicate opération. Voilà pourquoi les troupes européennes sont en quantités restreintes dans les colonies, qu’elles soient françaises, anglaises ou allemandes. Si les tirailleurs sénégalais se sont très bien habitués au séjour de Madagascar, c’est qu’ils trouvaient dans la grande île, non seulement le climat et les ressources alimentaires de leur patrie, mais encore, nous le verrons plus loin, le moyen de s’y créer la vie familiale qui leur est indispensable. L’Algérie, pour le moment, ne réalise aucune de ces conditions.