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amener peu à peu son frère vers la seule solution qui puisse pense-t-elle, rétablir sa fortune et le faire rentrer dans les voies ordinaires, hors desquelles elle ne voit que péril, trouble et misère, c’est-à-dire un bon mariage. Elle réussit si bien dans sa prédication que Byron renouvelle sa demande auprès de miss Milbanke. Cette fois il est agréé.


IV

Les Milbanke, ou, plutôt, les Noël (car un récent héritage les avait obligés à prendre ce nom, que Byron lui-même dut adopter à son tour pour entrer en possession du même héritage), les Noël appartenaient à la gentry provinciale et non à la classe moyenne, comme l’écrit M. Francis Gribble. Il doit pourtant savoir mieux que moi combien marquée était la distinction entre les deux classes. Ce qui le justifie, c’est que, dans l’espèce, les Noël, par les idées et par les mœurs, sont des bourgeois. La jeune fille avait grandi dans ce milieu sévère et patriarcal, admirée et adorée de sa mère qui était aidée dans les cérémonies de ce culte domestique par une certaine Mrs Clermont, ancienne institutrice et confidente à perpétuité de la future lady Byron. Ce sont ces deux femmes, — lady Noël et Mrs Clermont, — en qui l’imagination du poète devait voir deux monstres acharnés à sa perte. Mais comment prévoir ces choses, alors qu’autour d’eux tout était sourires, attendrissemens et espoirs de bonheur ?

Le mariage eut lieu en décembre 1814, dans une chambre de la maison qu’habitaient les Noël à Kirkby Mallory. Seul, Hobhouse y assistait avec la famille et l’inévitable Mrs Clermont. Immédiatement après la cérémonie, Hobhouse offrit son bras à la nouvelle mariée pour la conduire à la voiture qui allait emmener le jeune couple.

— J’espère que vous serez heureuse, crut-il devoir dire.

— Si je ne le suis pas, ce sera ma faute.

On serait tenté d’admirer cette bravoure, cette confiance ingénue, si l’on ne savait, par tout ce qui suivit, qu’il y entrait beaucoup d’infatuation et d’amour-propre.

Au reste, le premier assaut ne se fit pas attendre. A peine les roues avaient-elles commencé à grincer sur le sable, Byron éclata en paroles amères : « Pourquoi ne m’avez-vous pas