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complicité, noués au Congrès de Berlin avec l’Angleterre ; il l’incitait adroitement à s’établir en Egypte. Il cherchait à inspirer confiance au Cabinet de Paris ; il entrait dans ses vues que la France ne trouvât pas en lui, partout et toujours, un adversaire. Certainement aussi, en nous ouvrant la route de Tunis, il escomptait l’avantage de susciter entre nous et l’Italie une cause durable de mésintelligence et de nous engager dans des opérations politiques et militaires qui détourneraient de la frontière des Vosges nos pensées et nos âmes. C’est vers le même temps (juin 1880) qu’il prescrit à son représentant à la Conférence de Madrid, réunie pour réglementer la question des protégés au Maroc, et dont la diplomatie du prince de Bülow devait, en 1905, faire une si abusive interprétation, de conformer son attitude à celle du plénipotentiaire français. Au surplus, ces questions extra-européennes n’intéressent le chancelier que pour leurs répercussions européennes. Pour lui, à l’égard de la France, l’heure des provocations est passée ou suspendue ; il prépare un entretien avec Gambetta. Il vient de remporter un triomphe au Congrès de Berlin, grâce à l’acharnement aveugle des Anglais contre les Russes, à la vanité sénile de Gortchakof et à la timidité de la France ; il a intronisé la puissance allemande dans l’Empire ottoman. Il conclut, le 20 mai 1882, le traité qui constitue la Triple-Alliance. Depuis 1877, il ne gouverne plus avec les libéraux, il s’appuie sur les conservateurs. Il y a comme une détente, comme une accalmie dans son activité politique ; il croit avoir tout prévu, tout organisé ; désormais, jusqu’à sa chute, il ne fera plus que maintenir.

A l’origine de cette période d’expansion hors d’Europe, on ne trouve pas, en France, un dessein politique bien net, une vue claire de la situation. La politique française reste hésitante. Timeo Danaos : l’offre de la Tunisie, venant de Londres et de Berlin, inspire surtout de la défiance ; on raconte que le maréchal, dès la première nouvelle, s’écria : « Ils veulent nous f... l’Italie sur le dos maintenant. Je ne veux pas qu’on nous jette dans une nouvelle querelle. Je ne veux pas, entendez-vous bien ! » Waddington ont soin, cependant, de prendre acte diplomatiquement du résultat des entretiens de Berlin. On réservait l’avenir, on ne le précipitait pas. Pour que les événemens emportassent l’action, en 1881, il fallut que les intrigues imprudentes