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marins habitant les villes et communautés des côtes étaient dénombrés et inscrits sur les rôles de mer, puis répartis en trois classes (quatre dans certaines provinces). Chaque classe ainsi constituée était appelée à tour de rôle, c’est-à-dire une fois tous les trois ou quatre ans, à servir une année dans la flotte royale. Et les capitaines marchands furent responsables de l’inscription de leurs subordonnés, c’est-à-dire de leur soumission au service militaire : cette précaution contre la fraude est l’origine du monopole commercial des inscrits.

Colbert venait ainsi d’instituer pour la première fois un service personnel et obligatoire, dont on ne trouvera l’équivalent pour les armées de terre que deux siècles plus tard. Notons qu’il avait hésité et songé d’abord à établir le recrutement de la flotte sur des engagemens volontaires à long terme, analogues à ceux qui forment aujourd’hui la principale source de nos équipages.

Il ne se contenta pas d’une obligation sans contre-partie. Emu de pitié à l’arrivée de la flotte de d’Estrées, il fit construire, à l’usage des invalides, deux hôpitaux pour l’entretien desquels il inaugura la retenue sur toutes les soldes de la marine. C’est l’origine de l’établissement des Invalides. Colbert accorda d’autre part aux marins débarqués la demi-solde jusqu’à l’expiration de l’année de service à laquelle leur classe était assujettie. Enfin il créa des écoles d’hydrographie.

Le régime des classes subit après lui de nombreuses retouches dans toutes ses parties. La caisse des Invalides, dont nous venons de voir le caractère strictement militaire, ne tarda pas à en prendre un tout différent. Par suite du développement de la course, on trouva naturel d’assimiler les corsaires aux marins de l’Etat et de leur accorder les mêmes secours en cas d’infirmités. Pour attirer les équipages, on développa ces secours en pensions de demi-solde. La Révolution, les dédoublant, maintint la pension d’infirmité et créa la pension de vieillesse. Militaires et civils étaient toujours confondus dans ces mêmes faveurs. C’est seulement en 1885 que, mettant à la charge du Trésor les pensions militaires, on réserva pour la marine marchande la caisse des Invalides.

Quant au recrutement militaire, en 1784 le maréchal de Castries en change la base en ne formant plus qu’un rôle unique où les célibataires sont inscrits sur une colonne à part.