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profession de marin, de se soustraire, dans le délai d’un an, à la levée de la flotte. Inversement, on ne peut l’obliger à servir dans l’armée de terre tant qu’il reste inscrit.

Les avocats de la population côtière se gardent d’abandonner ce privilège. Leur client a donc le choix de l’arme où il sera versé, et il entend le conserver. On propose, sans rien changer par ailleurs, de réduire, les uns disent à trois ans, les autres à deux, son assujettissement. On aurait donné satisfaction au principe d’égalité. Mais peut-être n’est-ce pas le seul qu’en l’espèce il y ait à satisfaire.


III

Le problème militaire, en effet, nous intéresse avant tout par sa face publique. Le recrutement n’a pas pour but d’égaliser la charge des citoyens, mais de pourvoir à la défense nationale. Or, à la mer, on est toujours comme en campagne ; un bâtiment armé représente une unité mobilisée. Il doit vivre et s’entretenir par ses propres moyens, trouver dans son équipage les ressources et les facultés les plus variées. Il faut recruter un personnel ayant des aptitudes diverses et lui dispenser un triple enseignement, maritime, militaire et technique. Quand chacun est devenu apte à remplir tout son rôle, il est encore indispensable de retenir les hommes pour former l’armement actif des escadres qui doivent toujours être prêtes au combat. On ne peut donc échapper à la nécessité d’un service à long terme.

L’homme arrivant au corps passe de quatre à cinq mois dans un dépôt chargé de lui donner un premier dégrossissement. Puis on l’achemine vers une école de spécialité où l’instruction demande huit ou dix mois. Après plus d’un an, il commence un embarquement, qui ne saurait durer moins de deux années si l’on veut que l’homme prenne d’abord une connaissance approfondie de son matériel, en assure ensuite le service normal.

Un assujettissement de trois ans paraît dès lors un minimum. Il ne suffirait pas à former les pointeurs d’élite, à préparer les sous-officiers, à organiser les remplacemens en campagne. Il obligerait à recommencer sans cesse l’instruction si délicate et si coûteuse d’un personnel de choix. Le chef de pièce, les servans d’un seul canon de 305 sont des facteurs importans dans la bataille. On a besoin de gens d’expérience ; on doit pouvoir