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compter sur eux pendant quelques années et récupérer le prix très élevé de leur formation : 6 000 francs pour un simple canonnier, 8 000 pour un pointeur.

Se contenter de réduire la durée d’appel, serait par suite ajouter des inconvéniens nouveaux à ceux de l’état actuel. Il en offre déjà plus d’un.

Signalons les trois principaux : insuffisance de l’Inscription maritime pour le service actif, d’abord en nombre, ensuite en qualité et gaspillage des réserves.

L’Inscription maritime, en effet, n’a jamais satisfait à tous les besoins de la flotte. Sous l’empire des ordonnances de 1689, le régime des classes n’alimentait les arméniens que dans la proportion de 66,4 pour 100, diminuée plus tard de presque toute la fraction affectée au service de l’artillerie. En 1829, le ministre croit utile d’insister pour que les équipages de ligne comprennent au moins 3 pour 100 d’inscrits. De 1830 à 1855, en dépit des engagemens volontaires, la marine se voit obligée d’emprunter au recrutement 34 410 hommes. Les inscrits aujourd’hui ne constituent guère que la moitié de nos effectifs en moyenne, et la proportion tend à baisser. Elle baissera d’autant plus que nos équipages sont insuffisans déjà pour armer nos escadres ; et bientôt des bateaux plus gros et plus nombreux exigeront une augmentation de personnel. On réclamait, en 1908, un effectif total de 52 000 hommes en temps de guerre ; dans quelques années l’armement complet de la flotte en absorbera 56 000, c’est-à-dire qu’il en faudra réunir 60 000 en comprenant les services à terre. Pour 1912, le budget prévoit 55 163 hommes. Or la levée des jeunes inscrits donne un nombre de matelots chaque année décroissant. Alors que la classe de 1899 se composait de 5 817 jeunes hommes, la classe 1905 n’en comprenait plus que 4 916. La marine a besoin de plus de 9000 hommes de remplacement annuel : elle en demandera 12 à 13 000 au moins quand son nouveau programme sera achevé. L’Inscription maritime, dont la part était de moitié, ne fournira dès lors qu’un tiers.

Cette décroissance des populations maritimes peut ne pas sembler fatale. Elle résulte en partie de la diminution de notre marine marchande. Pour ce qui est de la quantité, l’inscription maritime suffirait aux besoins de la flotte de guerre si notre commerce de mer se relevait brusquement. Mais, hélas ! elle contribue elle-même à la ruine de ce commerce et à l’épuisement