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carbonisée et sa douloureuse indécence... De quartier en quartier, notre guide, facétieux Napolitain, nous conduisit dans une villa, exhumée près de la Porte du Vésuve.

— Maison de la prêtresse de Vénus ! annonça ce plaisantin. La gaillarde qui l’habita dut mener une vie de Madame Polichinelle. Voyez plutôt les faunes et les satyres qui décorent l’atrium. On ne pourrait en faire des images pour premières communiantes... Passons, maintenant, dans le sacellum, la chapelle que... Ah ! mais non : pas vous, signorine ! N’entrez pas. Toutes nos fresques ne sont pas à l’usage des demoiselles. Coquins d’anciens !... Vous, monsieur, venez voir la dame qu’un polisson de Grec a osé peindre pour la joie de nos yeux : la vue de tant d’appas ne coûte plus rien.

Malgré la mimique indignée d’Olivia, je suivis ce bavard, et j’entrai.

Le guide avait raison : c’était bien un sacellum, chapelle clandestine consacrée au culte de quelque divinité, jadis interdite. Un trépied à parfums occupait encore le milieu de la cella, et s’étalant sur la muraille, je vis une fresque des plus curieuses. La décrire m’est impossible. Tout l’érotisme de l’antiquité se montrait dans la posture d’une femme qui, debout sur des algues flottantes, semblait surgir d’une mer verdâtre, et dans les gestes d’obscènes tritons entourant sa nudité, la convoitant, la suppliant. J’examinai cette peinture, y distinguai deux mots presque effacés, les déchiffrai, et alors, — ô stupeur ! — je lus :


AΣT... AEYK...


Astarté... Leukôsia....

— Bravo ! approuva le cicérone. Un monsieur du Museo serait moins habile : vous êtes archéologue... Oui : « Dédié à l’Astarté par Leucosia. » Notre Leucosia est la jeune personne dont le portrait tout écaillé figure à la porte du temple... Euh ! euh ! Était-ce un temple ? On trouve beaucoup de ces sortes de temples, dans Chiaia... Quant à cette Astarté, elle doit être la Vénus vulgivaga, la Pandémos des mérétrices, des cocottes, comme vous dites, je crois, à Paris. Ainsi ont décidé nos savans, et ils s’y connaissent... Hein ! quelle pose, cher monsieur ! Mais aussi quelle grâce, quelle délicatesse, quelle science du beau ! Admirez.