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d’histoires » était, en Chine comme en France, la règle de conduite des fonctionnaires ambitieux. Sans doute, par la puissance du sentiment de solidarité qui unit tous les membres d’une corporation, par leur extraordinaire aptitude aux groupemens d’intérêts, les bourgeois chinois paraissent représenter une force respectable. Mais ces industriels ou commerçans, positifs et laborieux, ne sont pas combatifs. Ils ne se compromettent pas dans les troubles de la rue. S’ils ne peuvent faire écouter leurs plaintes, ils préfèrent soudoyer des auxiliaires impressionnables et turbulens. Nous avons dit comment ils y parviennent, et comment s’exécutent les programmes de revendications. La crainte d’un soulèvement populaire, toujours à redouter, paralyse ainsi les fantaisies des dirigeans, les exactions de leurs sous-ordres, en donnant à la marche des rouages administratifs une apparente régularité.

Parfois, le mécontentement a d’autres causes que des incidens purement locaux. Elles sont loin des murs de la cité, des limites de la bourgade ; elles intéressent la bourgeoisie d’une province entière. Dans un pays plus vaste qu’un grand Etat européen éclate alors une révolte inopinée. Un signal mobilise les forces du désordre ; les agens disséminés de l’anarchie lancent leurs troupes à l’assaut des yamens, chassent ou massacrent vice-rois, grands-juges et grands-trésoriers, chen-taïs et tao-taïs ; les troupes impériales se débandent ou passent aux insurgés ; le comité directeur des mécontens, maître de la situation, attend sans impatience les propositions de paix du gouvernement, ou coordonne sa conduite avec celle des groupes des provinces limitrophes que le même dommage a, de même, poussés hors de la légalité. C’est ainsi que l’édit du ministre des Travaux publics qui supprimait, en juillet 1911, les concessions de chemins de fer faites aux compagnies locales, provoqua la révolte du Se Tchouan, imité par les provinces voisines où existaient des intérêts identiques. La révolte partielle se transformait en révolution.

En temps ordinaire, un édit comme celui du 26 octobre, qui destitua le ministre auteur involontaire des troubles et consacra la capitulation piteuse du gouvernement impérial, aurait terminé le différend. Les concessionnaires satisfaits auraient promptement ramené dans les régions soulevées la tranquillité nécessaire à leurs opérations. Mais, après avoir fait servir à la