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des deux Kouang obtenue par le massacre simultané du vice-roi et des grands mandarins réunis dans la pagode impériale à l’occasion du nouvel an. La conspiration est découverte à temps et Sun-Yuat-Sên peut encore s’échapper.

Cependant, les sentimens antidynastiques se propageaient, et ses affidés étendaient partout leurs ramifications. Ils sympathisaient avec les étudians, avec les officiers que la vieille impératrice puis le régent expédiaient en Europe comme aux Etats-Unis pour préparer l’évolution moderniste annoncée par les édits. Par la fusion, en 1906, des grandes sociétés secrètes, « la Triade » et « les Vieux frères, » jusqu’alors ennemies, l’entente avec des associations locales nombreuses et puissantes, surtout dans le Sud, ils pouvaient instantanément transformer en actes, dans presque toutes les provinces, les instructions de leur chef. Le programme séparatiste du début, limité à la constitution des provinces méridionales en république indépendante avec Canton pour capitale, est devenu insuffisant. C’est à la libération complète du territoire que paraît aspirer le réformateur. La bienveillante neutralité du gouvernement français en 1907, lors de la deuxième tentative des « réformistes » au Kouang Si, où « nos frères les républicains chinois » s’affirmèrent au Tonkin comme des hôtes encombrans, la sympathie qu’on lui témoigne à Hong-Kong, l’intérêt qu’excite sa personnalité dans les concessions étrangères, lui donnent la confiance qui assure le succès. Il voyage, visite les riches communautés chinoises à l’étranger, en obtient des subsides généreux qui enflent son trésor de guerre, et tente en vain de soulever le Yun-Nan. Il établit à Hong-Kong, puis à Changhaï, le quartier général de la Révolution, va raviver les sympathies anglaises et françaises, et reparaît enfin à Changhaï le 26 décembre 1911, pour y prendre la direction effective du gouvernement insurrectionnel qui siège à Nankin et qui groupe dans la « République chinoise » quatorze des dix-huit provinces de l’ancien Empire du Milieu. Ses projets, qu’il n’avait jusqu’alors dévoilés que progressivement, semblent se montrer à découvert. Dans l’enivrement du triomphe prochain presque assuré, sa réserve naturelle laisse enfin percer de précises résolutions. Fier de ses succès, de son armée, de ses ministres et de ses généraux, il n’a guère que du mépris pour les novateurs de l’école évolutionniste, les Kang-Yu-Ouei, les Tchang-Che-Tong.