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En termes lapidaires, il en fait l’aveu au correspondant du Bulletin de l’Asie Française : « Ce sont des réformateurs de l’école des fabricans de cercueils ; l’abcès mandchou a besoin du bistouri et non de l’emplâtre. » Certain de la victoire définitive puisque les Taï-Pings, moins bien organisés, ont failli réussir, il résume en trois articles son programme : suppression du régime impérial des Mandchous ; organisation de la Chine en monarchie constitutionnelle sur le modèle anglais, ou création d’une république fédérative, si le choix d’un souverain national paraît impossible ; réforme des institutions politiques et sociales, par l’application des théories européennes et l’imitation du Japon. En cas d’échec, les provinces du Sud échapperont à la suprématie du Nord, et formeront une République indépendante qui s’annexera le Seu-Tchouan.


II

A cet ennemi si entreprenant et si résolu, à la coalition d’ambitieux, de mécontens, de naïfs, d’enthousiastes, de patriotes ardens, de théoriciens vertueux, de trafiquans égoïstes qu’il endoctrine et qui forme son état-major, aux masses qu’il déchaîne en leur promettant toutes les satisfactions du bien-être, de la justice, de Tordre administratif, du su tirage universel, et qu’il lance à l’assaut d’un régime discrédité, le gouvernement impérial pouvait-il opposer un programme pratique de réformes, des ministres honnêtes, des troupes valeureuses, des populations fidèles ?

Les offres de concours intelligens et loyalistes n’ont pas manqué à la dynastie mandchoue. Tandis que des tendances inquiétantes commençaient à se manifester parmi les adeptes de la « Jeune Chine, » Kang-Yu-Ouei proposait au jeune empereur Kouang-Hsiu l’adoption d’un programme évolutionniste qui sauverait l’Empire en le préservant d’une révolution. Le conseiller du souverain pouvait être le Turgot de la monarchie impériale. Ses livres sur la Réforme en Russie et la Réforme au Japon, groupaient autour de lui toute une école de lettrés à qui la culture européenne, acquise dans les Universités et les grandes écoles d’Europe et d’Amérique, n’avait pas enlevé le sentiment des réalités. Comme leur maître intellectuel et politique, ils comprenaient qu’il fallait arracher l’Empire à sa