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provinces ; les conspirations, que la maladresse ou la vantardise des conjurés faisait toujours avorter, révélaient un désordre chronique, une désaffection croissante, des compromissions insoupçonnées. Les légations étrangères signalaient discrètement, mais avec instance, la nécessité de concessions à l’esprit nouveau qui se manifestait. Pressée par les circonstances, l’impératrice douairière devint, comme novatrice, plus audacieuse que Kang-Yu-Ouei.

De 1901 à 1908, elle ordonne la réorganisation du ministère de la Guerre et de l’armée qu’elle essaie de rendre populaire et respectée ; elle fonde un grand nombre d’écoles militaires où elle s’efforce d’attirer la jeune noblesse et les fils de lettrés. Elle proscrit la coutume barbare de la compression des pieds pour les jeunes Chinoises. D’accord avec le gouvernement des Indes, elle édicté la suppression progressive, en dix ans, de l’opium et menace de peines sévères les fonctionnaires qui ne renoncent pas à la drogue ; les champs de pavots devaient être affectés à d’autres cultures, et cette prohibition amenait plus tard l’adhésion de plusieurs provinces à la Révolution. Elle rajeunit l’enseignement dans les collèges impériaux, engage des professeurs européens, des instructeurs allemands et japonais pour l’armée, envoie des jeunes gens dans les Universités étrangères ; mais ces étudians, bientôt ralliés aux idées révolutionnaires, devaient tromper de cœur ou de fait les espérances du gouvernement. Elle ouvre l’Empire aux étrangers, facilite la formation de syndicats mixtes pour l’exploitation des mines ou la construction des chemins de fer dont elle multiplie les concessions. Ces projets, à leur tour, causaient des tripotages dont la répression devait exciter le mécontentement de la grosse bourgeoisie, Enfin, souveraine absolue, elle octroie d’elle-même une constitution à l’Empire, en modifiant les attributions et l’organisation des ministères et en fixant à la fin de 1910 la réunion du Parlement chinois. Cette réforme eut, elle aussi, de graves conséquences, car elle éveilla dans toutes les provinces l’esprit de critique et de discussion, fit éclore de nombreux politiciens prêts à se dévouer aux fonctions de conseillers du gouvernement impérial, pour mieux le supprimer.

La mort de Tseu-Hi fut, pour le régime mandchou, une perte irréparable. On disait alors que la terrible impératrice avait entraîné le falot Kouang-Hsiu dans la tombe pour qu’il ne