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pût pas compromettre l’avenir de la Chine par sa faiblesse et ses excentricités. Une telle supposition n’est pas en désaccord avec ce qu’on sait du caractère et des actes de la vieille souveraine. Quoi qu’il en soit, seule peut-être dans tout l’Empire, elle avait la volonté, la puissance et la décision nécessaires pour diriger l’évolution vers les idées nouvelles et mater les artisans de révolution.

Cette tâche était trop lourde pour un régent inhabile aux affaires publiques, timoré, aux prises avec les partis qui se disputaient l’influence éventuelle sur l’Empereur à peine âgé de trois ans. La nécessité des réformes, le maintien de la tradition divisaient les princes de la famille impériale. La réaction contre les derniers actes de Tseu-Hi aurait vraisemblablement triomphé si le corps diplomatique de Pékin n’avait signalé, maintes fois, les dangers dont une guerre implacable à l’esprit nouveau menaçait l’Etat. Mais les fluctuations du pouvoir central désorganisaient les antiques institutions, ruinaient l’autorité des vice-rois, troublaient les fonctionnaires devenus incapables de discerner leurs devoirs et leurs responsabilités. L’incertitude entre le blâme et la récompense que mériterait un acte de gouvernant décourageait les zélés, paralysait les timides, endormait les indifférens. Dans plusieurs provinces, les délégués du pouvoir négociaient avec les fauteurs du désordre, acceptaient des compromissions tacites pour différer, jusqu’à l’arrivée d’un successeur, la solution des difficultés, la répression inévitable de crimes évidens. Favorisés par cette inertie, moins encore que par la « politique à contretemps » dont le gouvernement donnait l’exemple, presque sûrs de l’impunité, les ennemis du régime impérial devenaient plus audacieux, leurs partisans plus résolus. Parfois, une de leurs intrigues, trop apparente, rendait clairvoyans des fonctionnaires qui auraient préféré ne pas voir ; mais comment annoncer à Pékin qu’une conspiration contre le trône avait pu s’organiser dans la ville ou dans le district, sans s’accuser en même temps d’imprévoyance et de mauvaise administration ? Ainsi, les agitateurs, les républicains, les séparatistes, avaient le champ libre. Ils en profitèrent si bien que le gouvernement fut le seul à s’étonner lorsqu’il apprit, en novembre 1911, que quatorze provinces sur dix-huit acclamaient la Révolution.

L’attitude du Sénat, composé cependant de personnalités