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graves, plus encore que les méfiances des banquiers qui n’osaient risquer un emprunt dans les finances d’un État chancelant, aurait dû inspirer au Régent des résolutions viriles et une politique hardie. Mais, de son frère Kouang-Hsiu, le prince Choun avait la faiblesse et la versatilité. Les membres du « Tseu-Tcheng-Yuan, » à qui l’ordonnance de Tseu-Hi réservait un rôle de conseillers, ne tardèrent pas à juger insuffisant, leur pouvoir : Si la première session, terminée le 11 janvier 1911, fut incolore et sans intérêt, ils se prirent vite au sérieux et prétendirent exercer, sur les actes de l’autorité suprême, tout le contrôle d’un Parlement. Or, comme au début de la Révolution française, le Régent, tel Louis XVI, faisait succéder les capitulations aux rigueurs. Après avoir, entre deux sessions, destitué de la présidence du Sénat le prince Pou-Lun dont les tendances réformistes lui étaient suspectes, pour le remplacer par un réactionnaire fougueux ; après avoir diminué les attributions que s’arrogeait l’Assemblée, publié le décret de nationalisation des chemins de fer, promulgué l’édit de l’impératrice douairière sur l’éducation traditionaliste de l’Empereur âgé de cinq ans, il fut effrayé des conséquences de ses actes qui se manifestèrent aussitôt. Louis XVI coiffait le bonnet phrygien, tandis que roulaient vers la frontière les berlines des émigrés ; le Régent chinois sacrifiait son ministre des Travaux publics et signait, dans le célèbre édit du 30 octobre, la confession publique de l’Empereur, tandis que les chariots chargés d’or transportaient loin de Pékin la fortune des princes mandchous.

Comme à Versailles avant le 5 octobre, le gouvernement était environné de conseillers équivoques, d’agens provocateurs, de troupes que travaillaient des émissaires suspects. Une division entière, imitant les gardes-françaises, pactisait avec la Révolution. Le Sénat, copiant l’Assemblée constituante, réduisait les pouvoirs souverains, imposait les ministres de son choix, et se déclarait investi du droit d’élaborer une nouvelle Constitution. Pendant ce temps, un gouvernement insurrectionnel proclamait la déchéance de la dynastie mandchoue ; les armées impériales, sans argent, se fondaient peu à peu dans les forces républicaines. Dans cette anarchie, le Régent parut prêt à copier, vers Jehol, la fuite de Varennes. Mais les ministres étrangers, y compris le représentant du Japon, dont le gouvernement ne devait pas voir sans ennui le triomphe des républicains