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chinois, donnèrent de sages conseils. Les groupes financiers, que le Régent sollicitait en vain, ne montrèrent de confiance que dans les talens de Yuan-Chi-Kaï qui semblait être la dernière ressource de la dynastie. Le Régent céda ; il adressa un appel pressant à Yuan-Chi-Kaï.

L’ancien ami de Li-Hung-Chang, le conseiller de l’impératrice Tsen-Hi, est, avec Sun-Yuat-Sen, le personnage le plus énigmatique de la Chine. Ce sauveur tant attendu, qui devait, dès son arrivée à Pékin, faire affluer l’or, enrôler la victoire, dissiper l’orage de la Révolution, n’a pu encore par ses actes confondre de calomnie ses ennemis, ni justifier l’enthousiasme de ses partisans. Les excès que lui reprochait un de ses fervens admirateurs ont-ils, pendant sa retraite, détruit ses brillantes facultés, ou, comme tout bon Chinois, ne compte-t-il que sur le temps pour résoudre les difficultés présentes ? À ces questions la venir seul répondra.

Après la guerre sino-japonaise, Yuan-Chi-Kaï s’était montré partisan résolu des réformes. Il avait, comme chef militaire du Pe-Tchi-Li, transformé l’armée du Nord d’après les modèles européens. Tous les attachés militaires, tous les officiers des troupes étrangères qui stationnaient dans sa province, en vantaient la discipline, l’ordre administratif, les qualités manœuvrières, l’aspect imposant, qui paraissaient jusqu’alors incompatibles avec une armée chinoise. On eut donc raison de s’étonner quand on apprit, en 1898, le rôle joué par le réformateur dans le coup d’Etat de Tseu-Hi qui, brisant les initiatives de l’Empereur, restaurait le régime de la tradition. Cependant, on présuma que, peu confiant dans la valeur et la persévérance de Kouang-Hsiu, il avait préféré confier les destinées de la Chine à une main plus ferme qu’il pourrait diriger. Sa conduite dans la répression du soulèvement boxer, — qui fut sans doute pour le gouvernement une affaire manquée, — les projets de réformes qui marquèrent les dernières années de l’impératrice douairière et du règne nominal de son fils, donnent une grande vraisemblance à l’explication de cette volte-face, dont ses ennemis n’ont pas perdu le souvenir. En réalité, jusqu’à la mort de son amie et protectrice, il fut tout-puissant. Sur les troupes qu’il avait formées, son influence était sans bornes. Ses fonctions de vice-roi du Pe-Tchi-Li, la clientèle immense qu’il avait à Pékin, les sympathies qu’il s’était acquises dans les colonies et les légations