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des troupes étrangères, la tradition vieille déjà de quinze ans avaient développé quelques apparences de vertus militaires, celle qui passait pour être le soutien inébranlable de la dynastie, intervient dans les conflits politiques en imposant son opinion par un pronunciamiento inattendu. Les désertions l’entamaient, et la disette pécuniaire a fini de la désagréger.

C’est donc avec un Régent indécis, un Empereur enfant, des conseillers divisés, une aristocratie avide, un premier ministre habile, mais inquiétant, des populations inertes, une armée déjà douteuse que le Régime impérial a affronté la lutte contre des adversaires qui agissaient comme s’ils étaient sûrs de la victoire. Et, presque sans combattre, il était obligé de s’avouer vaincu.


III

Cette esquisse des partis en présence explique comme une légende la rapide série des événemens du drame chinois, qui se déroule suivant un ordre logique, dans un imbroglio de péripéties.

Comme toujours, un fait banal est à l’origine apparente de la Révolution. Il a mis en mouvement tout le mécanisme insurrectionnel, que le comité directeur installé à Hong-Kong ne croyait pas encore suffisamment au point. C’est le Seu-Tchouan qui a donné l’impulsion initiale.

L’immense Cheng-Tou-Fou, la capitale, était le siège social d’une de ces compagnies de chemins de fer locales dont le progrès des idées nationalistes et les derniers édits de Tseu-Hi avaient favorisé le développement. Les Chinois prétendaient, en effet, qu’ils sauraient bien construire leurs voies ferrées, exploiter leurs mines, sans le secours des étrangers. Mais, s’ils excellent comme négocians dans la spéculation, l’accaparement, l’emploi de la fausse nouvelle, ils sont, dans les affaires industrielles, victimes de leur absence complète d’esprit et de préparation scientifiques. Cependant, une fièvre de grands travaux passait sur toutes les provinces. Chaque ville voulait avoir sa gare, comme chaque montagne son haut fourneau. Les syndicats étrangers, que la richesse du sol et la densité de la population attiraient, étaient exclus de toutes les affaires. Quelques vagues talus, quelques wagonnets perdus dans les herbes justifiaient les combinaisons aventureuses des banquiers et des