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actionnaires, ainsi que les vanités de bourgeois friands d’appellations sonores ; mais les communications terrestres menaçaient de rester toujours précaires. L’Etat risquait de se trouver plus tard dans la situation où a été le Japon quand il a dû racheter les lignes établies sans tenir compte de l’intérêt général. Cheng-Hsouan-Hoai, ministre des Travaux publics, voulut mettre fin à ce particularisme gênant. En août 1911, les compagnies locales, qui avaient suffisamment prouvé leur inaptitude, furent déchues de leurs concessions que le gouvernement s’empressa de promettre à des groupes étrangers. Les compagnies de Han-Keou-Cheng-Tou-Fou, Hankeou-Canton, notamment, étaient au nombre des compagnies dépossédées.

Aussitôt, grand émoi à Cheng-Tou-Fou. L’obéissance du directeur des travaux du chemin de fer à l’édit impérial provoque, le 24 août, la grève des marchands et des étudians. Cette grève, d’abord pacifique, où le souvenir de l’empereur Kouang-Hsiu est acclamé, dégénère en agitation violente par la pression de la Ta-Tong-Houei, société secrète favorisée par le vice-roi intérimaire dont le remplaçant venait d’arriver. Ce dernier, gêné malgré sa réputation d’énergie par les intrigues de son prédécesseur, perd un temps précieux. Il est assiégé dans son yamen, ainsi que les grands dignitaires de la province, et les révoltés sont, un instant, maîtres de la ville. Ils en sont expulsés grâce à la fidélité de la garnison, composée de soldats du Hou-Peh. De la capitale, l’insurrection gagne la province, et les troupes du Seu-Tchouan, dont « l’obéissance allait jusqu’à la charge et la décharge exclusivement, » font cause commune avec les insurgés. A la fin du mois, Cheng-Tou-Fou est bloqué.

Le Régent essaie de réprimer le soulèvement qui, jusqu’alors, ne dépassait pas en gravité les troubles de tout temps si communs dans l’Empire, mais qui, dans une atmosphère d’orage, pouvait avoir de dangereuses conséquences. Avec une décision louable, il confie à l’un de ses meilleurs fonctionnaires la mission de réduire le Seu-Tchouan. Le pacificateur allait être secondé par le général Tchang-Piao, formé à l’école japonaise, et qui amenait de I-Chang et de Wou-Chang ses troupes du Hou-Peh dont le loyalisme était certain. Mais cette mobilisation partielle devait laisser le gouvernement désarmé dans les provinces douteuses de la vallée du Yang-Tse. Les propagandistes révolutionnaires y avaient recruté une infinité d’adhérens.