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Heureusement servis par la facilité des communications fluviales, par la vie intense des énormes agglomérations industrielles et des centres commerciaux, par le souvenir patriotique de l’ancien empire chinois qui avait Nankin pour capitale, par l’analogie de leurs projets avec ceux des Taï-Pings qui auraient libéré la Chine sans l’intervention de Gordon, ils trouvaient partout des complices discrets et des partisans zélés. C’est en effet sur le Yang-Tse que la Révolution affirme d’abord son programme et déploie son drapeau.

A Wou-Chang, dont la grosse garnison était partie presque tout entière vers le Seu-Tchouan, une explosion fortuite dans une fabrique de bombes oblige l’autorité provinciale à faire des enquêtes et des arrestations. Près d’être découverts, les chefs locaux de la conjuration républicaine prennent l’offensive ; la foule, excitée d’après la traditionnelle formule, se révolte ; les troupes font cause commune avec les émeutiers ; le vice-roi, les grands fonctionnaires s’enfuient ; le mouvement s’étend aux énormes cités voisines de Han-Kéou et de Han-Yang. Après trois jours de luttes, les 12, 13, 14 octobre, les insurgés sont maîtres de cette agglomération de deux millions d’habitans, du meilleur arsenal de l’Empire, de ses approvisionnemens, de ses fonderies et de son matériel, du Trésor provincial que le vice-roi n’avait pu emporter. Canton suit aussitôt le mouvement ; le maréchal tartare est assassiné ; le vice-roi temporise, et toute la province ainsi que le Kouang-Si arborent le drapeau rouge étoile de blanc. Le Hou-Nan, le Kiang-Si, les grandes villes du Yang-Tse, le Kouei-Tchou, le Yun-Nan adhèrent à la révolution. Jusqu’à la fin d’octobre, le régime impérial assiste, impuissant, à la désagrégation de l’Etat. Chang-Haï, l’arsenal de Kiang-Ngan sont enlevés à leur tour, et le Comité central de l’Union Chinoise s’installe à Nankin qui est choisie pour capitale des insurgés. Wou-Ting-Fang, leur ministre des Affaires étrangères, adresse au Corps diplomatique de Pékin, aux consuls des grandes villes, un mémoire où il expose le programme de la Révolution, et réclame pour son parti les privilèges des belligérans. Le général de brigade Li-Yuan-Houng, affilié au comité de Hong-Kong, qui avait dirigé le coup de main de Wou-Chang, est nommé président du gouvernement provisoire de la République chinoise et généralissime de ses forces. Il publie aussitôt un manifeste où il promet le