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respect des biens et des personnes des étrangers, la reconnaissance des emprunts jusqu’alors contractés, des traités et conventions diplomatiques signés, des concessions accordées par le gouvernement impérial. En même temps, il adresse un patriotique appel aux troupes encore loyalistes qu’il invite au service du gouvernement nouveau ; il garantit l’égalité civile et politique aux Mandchous, et déclare qu’il veut, avec la déchéance de l’Empereur, rendre la Chine aux Chinois.

L’incident imprévu de Wou-Chang avait fait éclater la Révolution avant l’époque fixée par les calculs de ses dirigeans. C’est ainsi que s’explique la malencontreuse inaction de Li-Yuan-Houng après les triomphes éclatans du début. Peut-être aussi croyait-on qu’ils démoraliseraient le gouvernement impérial, et qu’on pourrait esquisser en paix une organisation administrative et militaire indispensable pour réserver à la République toutes les chances de succès. Dans les provinces, des comités préalablement désignés dépossédaient les fonctionnaires impériaux dont le loyalisme était plus fort que l’ambition, et préparaient la formation d’une République fédérale analogue à celle des Etats-Unis. Ils choisissaient les délégués qui devaient se réunir en Convention nationale. L’armée républicaine augmentait ses effectifs grâce aux désertions, aux enrôlemens volontaires facilités par l’appât d’une grande considération sociale et d’une solde élevée. Des émissaires allaient trouver Yuan-Chi-Kaï dans son exil, et tentaient d’obtenir son adhésion aux offres séduisantes du Comité central ; mais Yuan, monarchiste alors par raison ou par intérêt, sans décourager complètement les républicains, ne manifestait pas le désir de mettre à leur service son prestige et ses talens.

Cependant, tandis que la République s’organisait, le gouvernement impérial, d’abord affolé, prenait vigoureusement l’offensive. Tous les élémens disponibles de l’armée du Pe-Tchi-Li, conduits par le ministre de la Guerre Yin-Tchang étaient dirigés vers Han-Kebu par le chemin de fer que Li-Yuan-Houng négligeait de détruire ou d’occuper. Avant qu’il eût pu s’opposer à leurs desseins, les Impériaux débarquaient à une petite étape de Han-Keou. Le 27 octobre, ils reprenaient la ville, et faisaient un grand massacre de républicains pour venger la précédente tuerie de Mandchous mais ils ne pouvaient enlever Wou-Chang et Han-Yang. Sur le fleuve, une flottille gênait