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les rassemblemens ennemis. A l’Est, le maréchal Tie-Leang, l’ancien ennemi de Yuan-Chi-Kaï, reprenait Nankin après un sanglant combat, et le Comité central, les délégués des provinces devaient s’enfuir en toute hâte à Changhaï. Les discordes qui divisaient déjà les provinces de la République augmentaient l’importance de ces succès : Canton prétendait s’organiser en Etat indépendant ; le Yun-Nan était en pleine anarchie. Le Comité central affirmait bien que ces divisions n’affaiblissaient pas son œuvre, et que la victoire finale ramènerait la cohésion. En attendant, les agens diplomatiques étrangers refusaient aux républicains la qualité de belligérans, et le Régent offrait à Yuan-Chi-Kaï le commandement suprême des forces impériales. L’acceptation de cet homme que se disputaient les partis semblait, à tous, valoir une armée.

Le gouvernement, quoique gêné par la pénurie du Trésor, semblait donc sur le point de triompher d’un soulèvement plus général et mieux organisé que celui des Taï-Pings, quand la manifestation des passions politiques dans l’armée produisit soudain ses effets coutumiers. Les théoriciens, les « idéologues, » comme les appelait Napoléon Ier, sont partout et de tout temps les mêmes. Toutes les occasions leur sont bonnes pour les faire servir à la réalisation de leurs désirs. En général, ils profitent de l’aggravation des difficultés intérieures ou de l’approche de l’ennemi pour modifier les constitutions ou renverser les gouvernemens. Les sénateurs de Pékin ne pouvaient manquer à la tradition. Le Régent, qui les cantonnait dans les limites tracées par l’édit de 1908, gênait leurs projets de contrôle politique et de participation effective aux affaires de l’Etat. Les conservateurs étaient en minorité dans l’Assemblée ; les réformistes de l’Ecole de Kang-Yu-Ouei, les amis de Yuan-Chi-Kai, les républicains, protestaient contre l’effacement dont les menaçait la récente destitution de leur président Pou-Lun. Ils passèrent de la protestation aux actes, et contraignirent le gouvernement à capituler.

Le 29 octobre, une des meilleures divisions de l’armée du Nord devait prendre le train pour aller, vers Han-Keou, renforcer les troupes de Yin-Tchang. Au moment de s’embarquer, officiers et soldats déclarèrent qu’ils ne partiraient pas si le Régent n’acceptait pas les propositions formulées par le Sénat : exclusion des princes mandchous de tous les ministères et