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grandes fonctions de l’Etat ; amnistie pour Kang-Yu-Ouei et ses amis, droit reconnu au Sénat de choisir le président du Conseil des ministres qui seraient sous le contrôle exclusif de l’Assemblée. Or, le Régent, prévoyant l’orage, était entré déjà dans la voie des concessions. Le 26, il avait destitué le tao-taï Cheng, ministre des Travaux publics, dont l’ordonnance du mois d’août avait provoqué la révolte du Seu-Tchouan. Cheng, menacé de la peine capitale, n’avait dû la liberté et la vie qu’aux instances des Légations. La confession de l’Empereur, publiée par l’édit du 30 octobre, consacrait le succès du pronunciamiento. L’édit du 3 novembre faisait de la Chine une monarchie constitutionnelle et donnait au Sénat les réalités du pouvoir. Tang-Chao-Yi, d’autres Chinois amis de Yuan-Chi-Kaï remplaçaient les Mandchous dans les ministères et la présidence du Sénat ; le prince Choun résignait ses fonctions de régent et s’effaçait devant Yuan-Chi-Kaï. Pendant ce temps, les troupes, enorgueillies de leur rôle, se mutinent ; leurs meilleurs généraux démissionnent ; des rixes fréquentes mettent aux prises soldats mandchous et soldats chinois. L’offensive des armées impériales est arrêtée par l’anarchie ; la consultation nationale des provinces insurgées, réunie à Changhaï, va discuter, dès le 20 novembre, le programme proposé par le Comité central : organisation du régime républicain, établissement de la Constitution, règlement électoral, choix de la capitale. Toutefois, si tous les délégués étaient d’accord pour adopter la République et lui donner Nankin pour capitale, ils étaient indécis pour le choix du type administratif ; leurs préférences allaient de la constitution britannique au fédéralisme des Etats-Unis d’après des conceptions politiques variant du suffrage universel sans conditions, même étendu aux femmes, au suffrage restreint établi sur l’aisance matérielle et l’instruction des électeurs.

Sur ces entrefaites, Yuan venait enfin de prendre parti pour le régime impérial en acceptant la Présidence du Conseil. Il revenait en maître à Pékin d’où il était parti, deux ans auparavant, honni et disgracié. Le 21 novembre, en réponse à Wou-Ting-Fang, il s’adressait publiquement « au peuple américain » que les dirigeans révolutionnaires avaient adopté pour modèle, et disait notamment : «... On a déjà démontré que l’agitation qui existe actuellement en Chine en vue de l’établissement d’une République n’avait éveillé dans les masses qu’une idée : c’est