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que le gouvernement populaire est synonyme de « pas d’impôt, pas de gouvernement. » Mais pendant que Yuan parlait dans un sens, les événemens se prononçaient dans l’autre : le 28 et le 29, les Républicains entraient de nouveau à Nankin, comme ils avaient repris Han-Keou. La Consultation Nationale s’installait aussitôt et définitivement à Nankin.

Cependant, la traditionnelle subtilité chinoise s’accommodait mal de la turbulence des hommes d’action. Impériaux et Républicains comptaient également sur le temps pour trouver la solution définitive du conflit. En Chine, c’est par les combinaisons des négociateurs bien plus que par les exploits des gens de guerre, qu’on aplanit les difficultés, qu’on émousse les résistances, qu’on prépare les défections. D’ailleurs, des deux côtés, un armistice tacite s’imposait. Le Comité central attendait Sun-Yuat-Sên, qui intriguait en Europe, et qui s’embarquait à Marseille le 20 novembre. Sa présence était, en effet, plus nécessaire que jamais : le généralissime Li-Yuan-Houng devenait inquiétant ; les provinces méridionales manifestaient des tendances séparatistes ; le mouvement révolutionnaire, d’abord très vif dans le Seu-Tchouan et les régions limitrophes, se ralentissait ; enfin, il fallait organiser la République en prévision de longues hostilités. Le gouvernement impérial n’avait pas moins besoin de temps pour se mettre en état de résister à la Révolution. Les groupes de banques ne se hâtaient pas de convertir en numéraire leurs promesses de secours financiers. Sans argent, on ne pouvait reconstituer les approvisionnemens perdus avec les arsenaux conquis par les Républicains ; le rétablissement de la discipline dans les troupes était urgent ; avec le temps, les chances de désaccord parmi les rebelles augmentaient. Le souci de la civilisation et de l’humanité servit, une fois encore, de prétexte pour justifier, de la part des Légations étrangères, une intervention que les adversaires souhaitaient sans oser la réclamer. Le corps diplomatique à Pékin, le corps consulaire à Changhaï furent persuasifs. Yuan-Chi-Kaï et Wou-Ting-Fang se laissèrent convaincre aisément. Le 9 décembre, ils ordonnent à leurs troupes un armistice de quinze jours, font connaître leur adhésion au projet de conférence contradictoire pour la paix, et Tang-Chao-Yi, le fidèle ami de Yuan-Chi-Kaï, est choisi comme plénipotentiaire impérial.

Le siège de la conférence, la désignation de leur représentant,