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profondément la séduction de la Lombardie. Seulement, il y ajouta cet idéalisme raffiné et ce souci d’élégance qui est l’essence même de l’art florentin. Chaque artiste interprète la réalité avec sa vision personnelle. Vérité banale que Gœthe exprime en une formule un peu lourde, au moins dans la traduction : « La réalité est le sol nourricier où s’épanouit cette merveilleuse plante de l’art dont la racine doit plonger dans le réel, mais dont la tige doit fleurir dans l’idéal. » Suivant les tempéramens, la tige fleurit plus ou moins haut. Les fleurs de Luini sont à la portée de nos mains ; nous pouvons facilement les cueillir et en respirer les parfums.


III. — NOVARE

Pourquoi m’étais-je toujours méfié de Novare ? Il y a ainsi des villes, comme des personnes, que nous évitons pendant des années sans en savoir au juste la raison et que nous regrettons ensuite d’avoir si longtemps ignorées, lorsqu’une circonstance fortuite les met sur notre chemin. Dans mon esprit, Novare m’apparaissait comme une triste et banale ville de plaine, loin de toute montagne et de tout fleuve, surmontée d’un affreux dôme, et dont le principal intérêt était un excellent buffet aux caves renommées, dans une grande gare toujours encombrée de trains, au point de jonction de nombreux embranchemens.

Cette année, obligé par mon itinéraire de m’y arrêter quelques heures, je comptais en profiter pour la visiter rapidement. Et voici que je viens d’y vivre deux agréables journées, logé dans un vieil hôtel où les chambres sont plus vastes que tout un appartement parisien, où la cuisine et les vins sont de premier ordre. La ville est animée et bien bâtie ; et comme ses promenades sont très belles, je me suis facilement consolé de la pénurie d’œuvres d’art.

Certes, il y a un antique baptistère et une église romane ; malheureusement, il ne reste presque plus rien de la basilique primitive qui s’est peu à peu transformée en une riche construction moderne avec un atrium de colonnes corinthiennes en granit du Simplon. Il y a aussi l’église San Gaudenzio et son fameux clocher d’Antonelli dont les Novarois s’enorgueillissent et qui est presque aussi laid que l’édifice élevé par le même architecte à Turin. J’aurais pu également