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interdire la communication avec tel de leurs collègues, qui déplaît, ou les faire conduire aux frontières de Russie comme des conspirateurs, le peu d’égards qu’on a pour lui à la Cour, où, pendant tout cet hiver, on l’a fait venir sans que jamais l’Empereur ait paru au cercle comme cela a été constamment l’usage ; tant de dégoûts, l’impossibilité où il est de communiquer avec les Russes dont toutes les portes sont fermées, finiront par rendre le séjour de Pétersbourg insupportable aux ministres étrangers, et entraîneront peut-être même quelque résolution unanime tendant à faire changer ou cesser cet état de choses actuel. »

En juillet 1799, la situation n’était pas encore telle que ce tableau permet de se la figurer. Les débuts du marquis de Gallo à la Cour moscovite n’en furent pas troublés. Paul Ier n’était encore qu’un demi-fou. Ses caprices n’avaient pas donné toute leur mesure et s’il affectait vis-à-vis de ses sujets un caporalisme qui leur rappelait celui qu’ils avaient connu sous le règne de son père Pierre III, s’ils étaient exposés aux dénonciations, s’ils vivaient dans la crainte continuelle du bâton, de la disgrâce et de l’exil, ils bénéficiaient encore du contentement que causaient au maître les nouvelles qui lui apprenaient successivement les succès réitérés de ses armes en Italie.

Le corps diplomatique accrédité en Russie se composait alors : pour l’Angleterre, de lord Withworth qui était encore en faveur auprès de Paul Ier, mais dont celui-ci devait dire bientôt : « Cet homme que je croyais mon ami deviendra mon ennemi, si la politique de sa Cour le lui commande ; » pour la Suède, du baron de Stedting, « homme excellent, mais sans crédit ; » pour le Danemark, du baron de Rosenkranz qui succédait au baron de Blome et n’avait pas eu le temps de le faire oublier ni de se faire connaître ; pour le Portugal, du chevalier de Hoste, à qui l’Empereur n’avait jamais parlé depuis son avènement au trône ; pour l’Autriche enfin, du comte de Cobenzl. Le souverain ne témoignait que de l’éloignement pour celui-ci, autant en raison de la laideur de sa figure, que parce qu’il voyait en lui l’un des négociateurs de cette paix de Campo-Formio qu’il avait blâmée et déplorée, comme contraire à la cause des rois et dont il gardait toujours rancune à l’Autriche.

Le duc de Serra-Capriola, représentant du roi de Naples,. complétait ce personnel et n’en était pas la moins brillante