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envoyait à son ambassadeur à Vienne et il en imputait la responsabilité au diplomate napolitain.

En ces circonstances, il reçut de Saint-Pétersbourg : une communication révélatrice de l’impatience et des défiances du souverain russe. C’était un véritable questionnaire qui portait sur quatre points. Paul Ier demandait d’abord au gouvernement autrichien de faire connaître ses intentions quant au rétablissement de la monarchie française. C’est pour la rétablir que l’empereur de Russie avait pris les armes ; il voulait savoir si l’Autriche était animée des mêmes sentimens que lui. La seconde question avait trait au roi de Sardaigne. L’Autriche occupait le Piémont après en avoir chassé les Français grâce à l’aide des troupes russes. Était-elle d’accord avec le Tsar pour remettre le Roi en possession de tous les Etats sur lesquels il régnait avant la guerre ? Entendait-elle d’autre part, comme le proposait l’Angleterre, que les Pays-Bas fussent, ainsi qu’autrefois, réunis à la Hollande ? Enfin on la pressait d’exposer toutes ses idées relativement à l’Italie et à sa réorganisation. Cette mise en demeure trouva Thugut résolu à n’y pas répondre, ou tout au moins à ajourner sa réponse. Il garda donc le silence, ayant surtout à cœur de ne pas dévoiler encore ses projets ambitieux et de gagner du temps.

Presque en même temps que ce questionnaire, arrivait à Vienne la proposition que faisait Paul Ier à ses alliés de se réunir en congrès à Saint-Pétersbourg, pour arrêter d’un commun accord les bases de la reconstitution de la péninsule. Cette proposition émut et irrita le ministre autrichien parce qu’elle allait à l’encontre de tous ses projets. Avant même de décider comment il y devait répondre, il jugea bon de paralyser l’action du diplomate napolitain en lui faisant intimer l’ordre par le roi Ferdinand de ne pas se prononcer sur la dite proposition avant de s’être concerté avec les représentans de l’Autriche à Saint-Pétersbourg. A son instigation, l’empereur François écrivit à son beau-père pour le mettre en garde contre « les nouvelles idées » de l’empereur Paul :

« Je vous supplie de les examiner bien exactement, et si j’ose vous prier d’une grâce avec toute la franchise possible, c’est de faire en sorte que vos ministres aient l’ordre de se concerter avec les miens avant d’entreprendre quelque chose à ce sujet avec la Cour de Russie, pour que nous puissions parler